Un étranger dans la ville 1963

Joyce Wieland, Un étranger dans la ville, 1963

Joyce Wieland, Stranger in Town (Un étranger dans la ville), 1963
Collage et huile sur toile, 117 x 82 cm
Emplacement inconnu

Dans cette œuvre réalisée un an après Érection des cœurs ! , Wieland allie à nouveau tissu et pigment pour créer un assemblage hybride. La palette y est plus sombre et plus morose, mais l’attention du spectateur est vite captivée par un grand phylactère blanc dans lequel on peut lire, écrit à la main : « Howdy Stranger! » (Salut, l’étranger !). L’œuvre se compose de couches multiples : une toile tendue sur laquelle figurent des formes abstraites constitue la base, tandis que des bandes de tissu peint (une peinture déchirée) retombent nonchalamment sur la surface. Le phylactère ressort sur ce fond moderniste à moitié délabré.

 

Art Canada Institute, Joyce Wieland, Cityscape, 1960
Joyce Wieland, Paysage urbain, 1960, huile sur toile, 127,5 x 152 cm, Banque d’œuvres d’art du Conseil des arts du Canada, Ottawa.

Le titre, Un étranger dans la ville, évoque la possibilité qu’il s’agisse d’une scène urbaine nocturne. Le format vertical suggère un passage urbain, et les paroles qui émergent de l’obscurité supposent la rencontre d’étrangers, ce qui est monnaie courante dans toute métropole moderne. Avant comme après son arrivée à New York, Wieland réalise plusieurs tableaux et tableaux-assemblages connotant des sensations et des signes urbains, tels que Cityscape (Paysage urbain), 1960, et Le Battery et West 4th (4e Ouest), toutes deux de 1963. Si Wieland réagit à la rue dans des œuvres comme celles-ci, l’année 1963 marque néanmoins son plein engagement dans la culture pop.

 

Il serait réducteur de définir Wieland en relation au pop art seulement, bien qu’elle intègre à ses œuvres certains aspects de la culture pop comme la publicité, la signalétique, la coloration excessive et la bande dessinée. Tandis qu’un artiste comme Roy Lichtenstein (1923-1997) agrandit des panneaux entiers tirés de bandes dessinées romantiques ou d’aventure, Wieland n’emprunte qu’un élément caractéristique au genre pour Un étranger dans la ville : le phylactère blanc dont elle se sert pour intégrer la parole dans l’art visuel provient sans contredit de la culture pop. L’expression anglaise « Howdy, stranger! » est une formule de salutation commune dans la langue vernaculaire. La question à savoir qui parle ici se pose toutefois. Cette voix émane-t-elle de l’œuvre même ? S’adresse-t-elle à nous, les spectateurs ?

Télécharger Télécharger