Érection des cœurs ! 1961
À première vue, les tonalités rose rougeâtre et le regroupement de cœurs dans cette œuvre évoquent un valentin, mais les formes apparentées à des taches éveillent par ailleurs des associations plus troublantes avec le corps et le sang. Le jeu de mots du titre (qui, en anglais, joue sur le rapprochement sonore entre « heart » et « hard », l’expression « hard on » signifiant érection) révèle en outre le sens de l’humour de Wieland, qui mêle audacieusement des références sentimentales et sexuelles.
Au début des années 1960, Wieland commence à explorer les limites de la peinture comme médium et aborde ses tableaux comme des objets matériels. Érection des cœurs ! figure parmi les multiples œuvres dans lesquelles elle ajoute à la toile peinte des morceaux de tissu drapés, déchirés, roulés ou appliqués, comme dans la série Les blues de l’été, 1961. Cette impulsion est à l’origine d’un corpus composé de collages, d’assemblages et d’œuvres sculpturales aux techniques mixtes, comportant parfois des objets trouvés.
La toile Érection des cœurs ! n’est pas tendue sur un cadre en bois ou transformée en une surface rigide, elle est librement accrochée au mur. L’effet de taches caractéristique est obtenu grâce à une technique exploitée par certains peintres abstraits des années 1950 et 1960, tels que les Américains Helen Frankenthaler (1928-2011) et Morris Louis (1912-1962), qui consiste à verser la peinture sur une toile brute absorbante. L’œuvre de Wieland dépasse cependant l’abstraction : la toile librement suspendue ressemble à un drap froissé, susceptible d’évoquer à l’esprit du public féminin des taches de sang menstruel. Les « nuages » de peinture rouge semblent provenir directement d’un corps humain.
Si la tentative d’intégrer l’art et la vie quotidienne est une tendance récurrente de l’avant-garde au vingtième siècle, l’introduction d’une certaine incarnation féminine dans le champ sacré de la peinture abstraite par Wieland peut néanmoins être considérée comme un acte de subversion féministe. Dans cette œuvre, comme dans de nombreuses autres au cours de sa carrière, Wieland situe la création artistique au cœur du quotidien – la sphère domestique, la chambre à coucher et les relations humaines intimes.