Le Battery 1963
Le quartier Battery est situé à l’extrémité sud-ouest de Manhattan, et même si cette œuvre offre une représentation ni conventionnelle ni réaliste de la ville, il s’agit franchement d’un tableau figuratif. Wieland a déjà peint des personnages et des objets durant les années 1950, mais selon une approche plus expressionniste et picturale. Sur le plan stylistique, l’artiste recourt ici à la planéité, aux lignes de contour et aux caractéristiques de la bande dessinée pour représenter une femme de profil, une voiture blanche, un voilier, un tableau noir, de grands chiffres et ce qui pourrait être un drapeau.
Cette œuvre annonce un développement important dans l’art de Wieland : la division de la surface peinte en une série de cases ou panneaux, créant ainsi une structure en forme de grille. La grille est en quelque sorte un dispositif caractéristique du modernisme qui permet d’organiser et de classer soigneusement les objets, comme dans Notice Board (Tableau d’affichage), 1961, et Brad’s Bridge, 1963. Ici cependant, Wieland l’exploite autrement, et laisse entrevoir la possibilité d’un récit. Le sens de l’œuvre prend forme à mesure que le spectateur « lit » la séquence d’images du coin supérieur gauche jusqu’au coin inférieur droit. Le tableau ne présente pas une histoire claire, mais le montage de plans rapprochés et éloignés crée une impression d’événements qui se déroulent dans l’espace et le temps. Le profil féminin se répète, et les images tout autour alternent entre un environnement urbain immédiat et le rêve d’un voyage en mer.
Là encore, comme dans Un étranger dans la ville, 1963, Wieland emprunte volontairement l’aspect et la logique des formes de la culture pop – telles qu’on les retrouve dans les bandes dessinées, l’animation et les scénarimages – afin de créer un nouveau genre de peinture narrative.