L’une des œuvres à grande échelle les plus emblématiques de l’artiste haïda Iljuwas Bill Reid (1920-1998), Le corbeau et les premiers hommes, est inspirée d’une petite sculpture en buis créée dix ans plus tôt, The Raven Discovering Mankind in a Clamshell (Le corbeau découvrant l’humanité dans une coquille de mye), 1970. Commandée par le philanthrope Walter C. Koerner pour le nouveau Musée d’anthropologie de l’Université de la Colombie-Britannique à Vancouver, Le corbeau et les premiers hommes met de l’avant le corbeau (Xhuuya), le célèbre filou haïda ayant créé l’archipel de Haida Gwaii et ses premiers humains. Bien que de nombreuses versions de ce récit de la création soient connues, l’interprétation de Reid implique un corbeau qui libère des humains d’une mye trouvée sur la plage.
La fabrication de la sculpture monumentale coûte à l’artiste sept ans de travail. Reid demande d’abord 3,05 m3 de cèdre pour sculpter l’œuvre, mais un tel bloc est presque impossible à obtenir et les imperfections sur les surfaces des plus grands cubes les rendent difficiles à utiliser. La solution trouvée consiste à fabriquer un bloc de bois en stratifiant 106 poutres de cèdre jaune pesant plus de 4 000 kg. Étant donné que Reid travaille simultanément sur Skidegate Dogfish Pole (Mât du chien de mer de Skidegate), 1978, et qu’il est aux prises avec la maladie de Parkinson, il doit compter sur de nombreux assistants pour concrétiser sa vision.
Avec cette pièce d’envergure, Bill Reid fait ressortir la puissante trame du récit haïda à travers le corbeau. Son corps trapu et son bec enchanteurs n’atténuent pas son imposante posture alors qu’il surplombe de manière protectrice la mye et ses habitants. Ici, ce héros culturel est aux commandes, et les entreprises humaines de l’art, de l’histoire et de la connaissance relèvent de sa compétence.
Cette rubrique en vedette est tirée de l’ouvrage Iljuwas Bill Reid : sa vie et son œuvre écrit par Gerald McMaster.