Connu au XIXe siècle comme le « dernier Huron de race pure », Zacharie Vincent (1815-1886) a décidé de devenir peintre au lendemain de la défaite du mouvement nationaliste patriote en 1837. Vincent est issu de la communauté huronne-wendat du village de la Jeune-Lorette, aujourd’hui la réserve de Wendake située à une quinzaine de kilomètres au nord de la ville de Québec. Dans son art, il adopte des techniques picturales occidentales, telles que la perspective et le dessin travaillés à partir de photographies. Ceci lui permet d’offrir une réponse aux représentations des sujets autochtones réalisées par les artistes de l’époque, dont Antoine Plamondon, Joseph Légaré, Cornelius Krieghoff, Henry Daniel Thielcke et Théophile Hamel. Sa pratique de la peinture – notamment ses autoportraits – lui permettent de renverser les idées reçues au sujet des relations entre les autochtones et les colons et d’établir un dialogue entre sa communauté et les habitants issus de l’Europe.
« Depuis plusieurs décennies, l’expérience de Vincent constitue une initiative pionnière inspirante pour de nombreux artistes d’origine autochtone. Elle présente des stratégies qui s’avèrent encore efficaces dans l’exercice du dialogue avec le public comme avec les instances du pouvoir. »Louise Vigneault
Zacharie Vincent. Sa vie et son œuvre explique que la production de cet artiste important mais encore peu connu s’élèverait à plus de six cents œuvres – des tableaux et dessins de tous genres, notamment des portraits, paysages et scènes de genre – dont seulement une cinquantaine sont répertoriées à ce jour. Louise Vigneault montre que l’analyse des œuvres de Vincent est indispensable aux études contemporaines, portant notamment sur la représentation d’une culture par une autre, les relations interculturelles, la réactualisation de la culture autochtone, la catégorisation, la conservation, la préservation d’œuvres autochtones et la façon dont les images sont utilisées à des fins stratégiques, politiques, sociales, symboliques et autres.
Professeure d’histoire de l’art à l’Université de Montréal, Louise Vigneault est spécialiste de l’art nord-américain. Elle s’intéresse à la question des imaginaires collectifs, aux mythologies et aux constructions culturelles, ainsi qu’aux stratégies de représentation identitaire. Parmi ses nombreuses publications, Espace artistique et modèle pionnier. Tom Thomson et Jean-Paul Riopelle (Éditions Hurtubise, 2011) a remporté le Prix du Canada en sciences humaines ainsi que le Prix Victor-Barbeau de l’Académie des lettres du Québec.