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Paravent de cèdre 1968

Paravent de cèdre, 1968

Bill Reid, Cedar Screen (Paravent de cèdre), 1968
Bois de cèdre rouge, lamellé, 210 x 190 x 14,6 cm
Musée royal de la Colombie-Britannique, Victoria

En 1968, le British Columbia Provincial Museum (aujourd’hui le Musée royal de la Colombie-Britannique) à Victoria commande à Bill Reid la création de Paravent de cèdre, un grand panneau sculpté en cèdre rouge lamellé. L’œuvre représente un enchevêtrement complexe de relations humaines et animales tirées de récits haïdas et reflétant l’aspect dynamique de la vie quotidienne et de la pratique culturelle de cette nation. En partant du coin supérieur gauche et allant vers la droite, on voit le corbeau (Xhuuya) leurrer le pêcheur Nanasimgit et un épaulard; le loup marin serrer une baleine entre ses dents; l’aigle et la grenouille; mais aussi l’histoire de la mère ourse avec les oursons, le chasseur, le papa ours, le chien du chasseur et la maman ourse sous sa forme humaine. Près du centre se trouve le pêcheur, hameçon à flétan, ou yagw taawaay, à la main, juché sur son coffret à flétans. Les coffrets haïdas de ce genre contiennent des objets importants de valeur cérémoniale.

 

Bill Reid, Nanasimgit and His Wife (Nanasimgit et sa femme), 1983, lithographie offset, 55,9 x 64 cm, collection Bill Reid de l’Université Simon Fraser, Vancouver.

La figure humaine centrale attire particulièrement l’attention. Elle a un lien essentiel avec ses compagnons légendaires et est sans conteste à sa place parmi eux. Pourtant, son orientation et son regard tourné vers l’extérieur la positionnent différemment des autres. Elle regarde vers son public, et même au-delà, en brisant ce qu’on appelle communément le quatrième mur. Pendant que des interactions se produisent tout autour d’elle, elle semble distante tout en surveillant quelque chose qui se trouve sous sa protection. Se prépare-t-elle à sortir d’un enchevêtrement qui la limite? « Ce qu’il y a d’autre dans le coffret », explique Reid à l’époque, « ne convient pas aux sensibilités anglo-saxonnes ». Il s’agit du début de ce que certains critiques ont appelé les « jeux de mots visuels » de Reid par lesquels il innove en inscrivant des significations multiples et ouvertes au sein d’espaces singuliers.

 

Au moment de la création de ce paravent, Reid le qualifie d’« adieu », car, tout de suite après l’avoir terminé, il quitte la Colombie-Britannique pour aller vivre un an en Angleterre. « C’est un long adieu, dit-il. Un adieu aux ancêtres, aux enfants perdus, aux anciens amours ». Sur le plan artistique, il s’agit d’un moment de transition pour Reid et, de l’avis de Martine J. Reid (née en 1945), cela marque le début de sa « phase post-haïda ». Après avoir passé vingt ans profondément immergé dans le style de ses ancêtres, à comprendre et à exécuter des motifs, des styles et des techniques inspirés par les Haïdas, il est « libre d’exprimer sa propre individualité ». À ce moment, l’artiste ne s’attend pas à revenir à ce sujet. Il déclare qu’il s’agit de ses derniers « hommages ».

 

Paravent de cèdre est la première tentative à grande échelle de Reid dans la combinaison de plusieurs récits mythiques sous la forme d’un panneau à relief rectiligne au lieu d’un panneau linéaire ou d’un mât. Il s’agit d’un retour vers les pipes-panneaux en argilite du milieu du dix-neuvième siècle, une époque où les artistes haïdas commencent à créer pour le nouveau marché des souvenirs plutôt que suivant des motivations culturelles locales. Cette période de contact permet à ces artistes d’être très créatifs et ouverts à essayer de nouvelles formes d’expression. Même si Reid s’inspire toujours des formes traditionnelles des panneaux haïdas, dans Paravent de cèdre, il les a mises au carré, s’autorisant à créer davantage d’enchevêtrements et à séduire les idéaux modernistes de l’époque.

 

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