Plat avec motif du mythe haïda de la mère ourse 1972

La voix stylistique de Bill Reid s’exprime pleinement dans Plat avec motif du mythe haïda de la mère ourse, qui est à la fois fonctionnel et imagé. Au sommet du plat, mère ourse, dont le statut social élevé, mais genré, est indiqué par le labret sur sa lèvre inférieure, caresse tendrement ses oursons pendant qu’elle les allaite. À la base du plat se trouve son mari, père ours, qui incarne une présence réconfortante, mais imposante. Reid combine différentes techniques, employant la technique de moulage à la cire perdue pour les figures au sommet et les éléments protubérants du dessous, et s’appuie sur des procédés de façonnage et de gravure pour le plat central et le couvercle.

L’histoire de la mère ourse se déroule à une époque mythique où les ours et les humains vivaient côte à côte en se tolérant respectueusement. Il commence alors qu’une jeune femme glisse et tombe en marchant accidentellement dans un tas d’excréments d’ours. Quand elle exprime sa colère face aux ours en des termes méprisants et désobligeants, ces animaux l’enlèvent et la placent dans une caverne sombre pendant plusieurs jours. Femme souris (Quaganjaat), un autre personnage haïda, lui conseille de placer du cuivre, un symbole de richesse et de prestige, sur ses prochains excréments. En agissant ainsi, elle persuade les ours qu’elle a des pouvoirs exceptionnels. Un lien se crée entre elle et le neveu du chef grizzly. Ils finissent par se marier et elle met au monde deux oursons. Ses frères du village humain la trouvent avec sa famille ourse et, pour les sauver, son mari se sacrifie. L’histoire de mère ourse est captivante, car elle démontre sa capacité d’adaptation, sa lutte contre les tensions entre les deux mondes et le fait qu’elle demeure un puissant vecteur de vie, des qualités semblables à celles déployées par Reid lui-même.

Pour le couvercle, Reid élabore une technique en ronde-bosse réaliste, émotive et stylisée, où la tendresse est exprimée par la mère ourse, campée sous forme humaine en train d’allaiter ses petits. Le plat lui-même est plus traditionnel avec son traitement par des lignes figuratives en bas-relief et sa forme bombée qui évoque un coffret en bois cintré. Cela fait allusion à la grande admiration de Reid pour Daxhiigang (Charles Edenshaw, 1839-1920) et ses solutions imaginatives et innovantes pour combiner des approches traditionnelles et émotionnelles dans son travail.

L’œuvre du dix-neuvième siècle Compote (Compotier) en argilite de Daxhiigang montre une ascendance intéressante avec Plat avec motif du mythe haïda de la mère ourse. Sur le couvercle, on voit une mère ourse naturalisée en ronde-bosse qui allaite un petit. En dessous, le corps et le dos du père ours constituent le contenant et le couvercle. Le pied et la base prouvent que Daxhiigang a tiré son inspiration de produits importés, harmonisant un bol haïda traditionnel avec de la vaisselle aux formes européennes. En considérant le fait que le compotier est sculpté dans de l’argilite fragile et qu’il a le bord ébréché, on peut s’interroger sur la fonctionnalité de l’objet.

Plat avec motif du mythe haïda de la mère ourse est un trésor doré portatif. Tout en rendant hommage à Daxhiigang, l’œuvre glorifie également la mère ourse elle-même. Après tout, comme Reid l’a indiqué en décrivant la présence de l’animal mythique dans Cedar Screen (Paravent de cèdre), 1968, la mère ourse est « là où tout commence. [Elle est son] dernier amour de la côte Ouest ».