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Marionnettes chorégraphiées 1976-1977

Marionnettes chorégraphiées, 1976-1977

Suzy Lake, Choreographed Puppets Mural, Negative #7 (Marionnettes chorégraphiées, murale, négatif no 7), négatif de 1976, épreuve imprimée en 2011

Épreuve à pigments de qualité archive, six épreuves chromogènes noir et blanc, laminage sur panneau, épreuves enroulées autour de substrat Dibond avec du velcro pour la fixation au mur de l’exposition, 274 x 341 cm

Georgia Scherman Projects, Toronto

Marionnettes chorégraphiées est une série capitale dans l’évolution artistique de Suzy Lake. Si ses séries du début des années 1970, notamment, Miss Chatelaine, 1973, sont consacrées aux questions d’identité et d’apparence en exploitant une variation de la grille, Marionnettes chorégraphiées aborde les thèmes de la domination et de la résistance par le biais d’une série de photographies individuelles organisées selon un schéma linéaire. Lake voit cette œuvre comme un « contrôle entre les mains d’une autre personne » qui entraîne la perte de l’identité de la performeuse. Elle explore des thèmes similaires dans des œuvres connexes comme Against the Wall (Contre le mur), imPositions et Vertical Pull (Traction verticale), toutes trois de 1977. Les images de Marionnettes chorégraphiées paraissent floues, ce qui est inhabituel en photographie à l’époque – elles sont très picturales, peu précises et artistiques.

 

Simone Forti, Photograph of “Slant Board” Performance at the Stedelijk Museum (Photographie de la performance « Planche inclinée » au Stedelijk Museum), 1982, photographie de documentation, 20,3 × 25,4 cm, The Museum of Modern Art, New York.

L’œuvre se présente sous la forme d’une série de photographies de grand format qui illustrent un échafaudage de 3 par 3,6 par 2,5 m, que Lake a construit dans son atelier à l’Université Concordia, à Montréal, où elle complétait sa maîtrise en beaux-arts. Vêtue d’une tunique avec une sangle, Lake est suspendue à l’échafaudage, les pieds ballants. Les photographies montrent également deux « marionnettistes », positionnés au sommet de la structure et tenant des sangles qui contrôlent les bras et les jambes de Lake, déterminant ainsi ses mouvements. Tout au long de cette représentation théâtrale, un assistant a pris des photos à intervalles réguliers, la vitesse d’obturation étant réglée à un trentième et un cinquantième de seconde. Après avoir sélectionné les images à inclure dans Marionnettes chorégraphiées, Lake les présente sous forme d’épreuves analogiques à la gélatine argentique en noir et blanc sur papier baryté. Elles semblent donner à voir les coulisses de la représentation, sans suggérer de début ou de conclusion particulière. L’échafaudage et le procédé créent un cadre pour la manipulation du corps flou de Lake, méconnaissable. Lors de la première présentation de l’œuvre, ainsi que dans la rétrospective Introducing Suzy Lake (À la découverte de Suzy Lake) du Musée des beaux-arts de l’Ontario en 2014, Lake a fait ajouter l’échafaudage à l’exposition.

 

L’œuvre est souvent comprise comme une pièce féministe, mais elle a aussi une signification plus large, à savoir la manipulation que tout individu peut parfois ressentir en tant qu’être faisant partie de l’humanité dans son ensemble. Cependant, la pièce peut également avoir un autre sens : malgré son manque de contrôle physique, Lake demeure la directrice de la scène, établissant la structure et le scénario de la performance, au déroulement inattendu, qui se joue. Comprise de cette manière, Marionnettes chorégraphiées reflète l’influence de danseuses expérimentales telles que Simone Forti (née en 1935) et Yvonne Rainer (née en 1934), qui rejettent la chorégraphie prédéterminée au profit de l’improvisation, répondant à un ensemble de règles fixes et peu contraignantes. (Le mot chorégraphiées du titre est certainement significatif.) Hangers (Cintres), 1961, de Forti, de sa série de performances Five Dance Constructions and Some Other Things (Cinq constructions de danse et quelques autres choses), est un précurseur important : trois cordes en boucle sont suspendues au plafond, auxquelles se tiennent trois interprètes tandis que quatre autres se mêlent entre elles, ce qui entraîne un mouvement imprévisible et l’incapacité de l’ensemble à contrôler le balancement des cordes. Dans son expérience cependant, Lake joue pour la caméra et parvient à saisir cette absence de contrôle grâce à la représentation d’un mouvement frénétique, par ses jambes qui pendent, ballantes, au-dessus du sol.

 

Comme l’écrit William A. Ewing, « [l]e flou était évidemment la clé. À l’époque, le flou était très mal vu en photographie, considéré comme une trahison de l’éthique documentaire presque puritaine. Ici, il évoquait un sentiment de dessin, ou une rapide esquisse. Plus important encore, il retenait de l’information, ajoutant un élément de mystère. »

 

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