Les membres du collectif artistique General Idea (1969-1994) – Ronald Gabe (aka Felix Parz, 1945-1994), Slobodan Saia-Levy (aka Jorge Zontal, 1944-1994) et Michael Tims (aka AA Bronson, né en 1946) – se rencontrent à Toronto au Théâtre Passe Muraille, à la fin des années 1960. Ce théâtre a été fondé en 1968 par Jim Garrard, dont l’objectif était d’éliminer la distance entre acteurs et public. Il a été créé dans le sillage du Collège Rochdale, une université libre et gratuite à caractère expérimental. Cette scène de la contreculture attire de nombreux visualistes.
C’est dans cette mouvance que se croisent AA Bronson, Jorge Zontal et Felix Partz. Bronson collabore entre autres au Theatre Passe Muraille en concevant affiches et décors. La performance collective intitulée Laundromat Special #1 (Laverie automatique, édition spéciale no 1), 1969, est la première production commune du trio. Il s’agit d’une série d’actions qui se déroulent dans une pièce décorée d’un énorme sac de coton étiqueté « sac à lessive » qui pend depuis le plafond au-dessus de piles de boîtes de savon. Match My Strike, (un jeu de mots sur « strike my match », c’est-à-dire « craque mon allumette ») présentée en 1969 au Poor Alex Theatre, met en scène Partz, Bronson, Zontal et Mary Gardner, qui manipulent une gamme d’accessoires, y compris de la viande hachée, des briques, du verre, des chandelles et un projecteur de diapositives. Ces tentatives précoces s’avèrent fondamentales à l’établissement de l’identité du groupe pendant qu’il se transforme d’un vague collectif en trio General Idea, le nom qu’ils ont choisi pour leur première exposition collective en 1970.
Le concours de beauté Miss General Idea, qui façonne l’œuvre du collectif des années 1970, découle d’une pièce présentée dans le cadre du Festival of Underground Theatre, une manifestation internationale présentée au St. Lawrence Centre for the Arts et au Global Village Theatre de Toronto. Le concours se déroule dans le foyer du théâtre, sur une petite plateforme remplie de compositions florales extraites des rebuts d’un salon funéraire. Au cours du volet artistique du concours, Miss Honey (Honey Novick [s.d.]), l’une des concurrentes, fait valoir son habileté au téléscripteur. D’autres candidates (Belinda Bear, Danny Bear et Rachel Bear) déguisées en ours, chantent et dansent. Les juges accordent à Miss Honey la couronne de Miss General Idea 1970. Le tout est enregistré sur vidéo. La performance a un retentissement indéniable. À ce sujet, Partz dira : « Les gens étaient plutôt perplexes et se demandaient ce qui se passait. Tout avait l’air si réel, d’autant que Miss Honey était très bonne actrice. »
La popularité du concours de beauté interpelle General Idea. Soulignant la malléabilité et l’utilité de la forme, Fern Bayer, conservatrice et historienne de l’art explique : « La formule du concours de beauté a fourni à General Idea un vocabulaire de base, dérivé des clichés culturels de l’époque, qui a permis au trio de s’exprimer sur le glamour, les situations limites, les interfaces entre culture et nature, le rôle de l’artiste comme instrument d’inspiration culturelle, les mythes du monde de l’art et la relation entre l’artiste et la forme ainsi qu’entre l’artiste et le public. » La performance qui, comme celle de General Idea, utilise le corps comme instrument politique, suit les principaux courants de l’évolution du théâtre alternatif des années 1960. Tandis que le groupe poursuit la production de l’art vidéo, du mail art et de l’installation pendant les années 1970, 1980 et 1990, leurs premières expérimentations théâtrales continuent d’influencer leur œuvre; il s’agit de fictions ludiques qui créent une critique queer du monde de l’art et de la société contemporaine.
Cet essai est extrait de General Idea : sa vie et son œuvre par Sarah E. K. Smith.