Helen McNicoll (1879-1915) est parmi le très petit nombre d’artistes canadiens qui ont entièrement adopté le style impressionniste et elle en a poussé les principes fondamentaux plus loin qu’aucun autre artiste au pays. Les œuvres paysagistes de l’école de La Haye et de Barbizon ont dominé le marché de l’art canadien à la fin du dix-neuvième siècle. Cependant, progressivement, un petit nombre de collectionneurs montréalais ont démontré un intérêt pour la peinture française moderne et, trois décennies après son émergence à Paris, l’impressionnisme gagne du terrain au Canada. Montréal, ville natale de McNicoll, est alors le foyer principal du mouvement au Canada. En 1892, W. Scott and Sons Gallery parraine la première exposition des œuvres de huit impressionnistes français, bientôt suivie par d’autres, notamment une exposition des délicates gravures, inspirées de l’art japonais, de Mary Cassatt (1844-1926), représentant des femmes modernes et des enfants, tenue à l’Art Association of Montreal (AAM) en 1907.
McNicoll appartient à la deuxième génération d’impressionnistes canadiens parmi Clarence Gagnon (1881-1942) et Marc-Aurèle de Foy Suzor-Côté (1869-1937), tous deux Montréalais, et W. H. Clapp (1879-1954), artiste avec qui elle partage le premier prix Jessie Dow en 1908 à l’exposition de printemps de l’AAM. Les toiles qui leur ont valu ce prix, Soir de septembre, 1908, de McNicoll, et Matin en Espagne, 1907, de Clapp, sont toutes deux clairement inspirées de l’impressionnisme. Les comptes rendus des expositions de printemps de l’AAM pendant la première décennie du vingtième siècle, font état de la fidélité de ces artistes à la « Nouvelle Peinture » et à la « Méthode française. »
McNicoll a mené une vie cosmopolite et a ainsi joué un rôle important dans la diffusion de l’impressionnisme européen au Canada. Dans un commentaire notoire de 1909, un critique écrit que « Mlle McNicoll a depuis quelque temps étudié sur le continent et elle a certainement été conquise par l’esprit de l’école impressionniste française moderne. » McNicoll emménage à Londres en 1902 où elle conserve un atelier de 1908 jusqu’à sa mort. Elle l’utilise comme pied-à-terre alors qu’elle voyage partout en Angleterre, en France et en Italie, le plus souvent accompagnée de son amie et consœur, l’artiste Dorothea Sharp (1874-1955), et parfois aussi d’une sœur ou d’une cousine. Elle fréquente, en France et en Angleterre, un certain nombre de colonies d’artistes qui préconisent les scènes de la vie paysanne; dans ces milieux, l’impressionnisme continue de jouer un rôle important longtemps après que l’effet révolutionnaire de ses débuts parisiens ait diminué.
Malgré le fait que la réception de l’impressionnisme au Canada soit plutôt ambivalente et même parfois carrément négative, le travail de McNicoll est bien reçu de manière presque unanime. Certains critiques lui reprochent sa représentation de l’eau comme étant rigide et artificielle – À la pêche, v.1907, par exemple, a suscité cette critique – mais les commentateurs sont généralement enclins à soutenir ses efforts, disant qu’elle sait éviter « les effets extrêmes et la technique extravagante » de certains de ses pairs. Son genre peut partiellement expliquer cette réaction positive : Norma Broude et Tamar Garb notent que l’impressionnisme est codé comme un style féminin et que les impressionnistes femmes reçoivent des critiques positives pour leur doux et joli traitement de sujets quotidiens, alors que leurs collègues masculins reçoivent des critiques négatives pour ces mêmes qualités.
L’impressionnisme a eu une courte vie au Canada. Alors que McNicoll reçoit des critiques positives pour ses œuvres, le mouvement a déjà presque quarante ans en France et l’avant-garde établie qu’on y trouve alors est le cubisme. Au moment où l’impressionnisme est largement accepté par le public au Canada, des artistes comme Emily Carr (1871-1945), Emily Coonan (1885-1971) et les membres du Groupe des Sept sont passés à un style postimpressionniste. En quelque sorte, la brève carrière de McNicoll reflète l’intense mais éphémère engouement qu’a connu l’impressionnisme au Canada en cette période.
Cet essai est extrait de Helen McNicoll : sa vie et son œuvre par Samantha Burton.