Qui est ce visiteur du soir, emmitouflé dans son capot de chat et coiffé d’une toque de fourrure? L’homme au visage sans traits ne se laisse pas reconnaître au premier abord. Ce n’est que lorsque notre regard croise la soutane noire s’échappant du lourd manteau que l’image du prêtre se précise. Que fait-il dans l’immensité et la froidure de l’hiver, entre chien et loup? L’artiste québécois Jean Paul Lemieux (1904-1990) répond : « Le visiteur du soir, c’est tout simplement la mort. Nous, au Québec, on le voit toujours sous l’image d’un prêtre qui vient porter le viatique [communion portée à un mourant] au soir de la vie. »
C’est une image qui occupe l’imaginaire collectif des Canadiens depuis bientôt soixante ans. Lemieux la peint en 1956, au retour d’un séjour en France qui remet en question sa vision du paysage. « Je ne vois plus les choses de la même façon. Une vision totalement différente se développe. [. . .] Je n’avais jamais remarqué jusque-là combien notre pays est horizontal. » L’hiver et ses vastes espaces enneigés s’offrent désormais comme décor à des surfaces traversées par une humanité silencieuse, anonyme, universelle.
Cette rubrique en vedette est extraite de Jean Paul Lemieux : sa vie et son œuvre par Michèle Grandbois.