Pour les sujets de ses œuvres, Pitseolak Ashoona (v.1904-1983) s’inspire parfois des légendes entendues dans sa jeunesse, surtout de son père Ottochie. Ce dessin aux allures de pierre précieuse révèle toutes les caractéristiques de son travail – on y retrouve des Inuits et des animaux dans un paysage, représentés au moyen de couleurs riches et d’un trait énergique.
La scène occupant la portion supérieure du dessin représente un moment critique de l’histoire de la femme se transformant en narval. Il existe plusieurs versions de ce conte. Celle représentée par Pitseolak est probablement une variante propre au Nunavik (Arctique québécois), d’où vient la famille de son père, à laquelle elle apporte ses propres détails. Le long du dessin, elle écrit le passage suivant en caractères syllabiques : « Ces dessins sont de Pitseolak. Tous les quelques jours, elle endurait avec patience les coups que lui donnait son mari. Un jour, près de la mer, elle était sur le point de se faire battre de nouveau. Elle a donc plongé dans la mer. À ce moment-là, tous les narvals remontèrent à la surface de l’eau devant elle. »
Dans le conte, pour échapper aux violences que lui impose son mari, la femme se jette du haut d’une falaise; elle ne meurt pas mais se voit transformée en narval. Pitseolak dépeint le moment de la transformation qui sauve la vie de la femme, alors que ses longues tresses adoptent la forme d’une défense de narval.
Dans ce dessin, Pitseolak raconte une légende, mais son intérêt pour cette version de l’histoire constitue l’une des rares occasions où elle a représenté l’une des épreuves auxquelles elle, et beaucoup d’autres femmes, ont été confrontées dans les campements.
Cette rubrique en vedette est extraite de Pitseolak Ashoona : sa vie et son œuvre par Christine Lalonde.