Dans Tête d’orignal, d’après nature, l’artiste huron-wendat Zacharie Vincent (1815-1886) démontre ses capacités à observer les éléments de la nature et à rendre la puissance de l’animal. L’œuvre évoquerait peut-être le récit cosmogonique de la chefferie wendate, qui raconte l’histoire des jumeaux Tsestah (« fait de feu ») et Tawiskaron (« fait de silex »). Tsestah se met le premier à la tâche, en aménageant des plaines, des forêts, des rivières, des arbres nourriciers et des poissons sans écailles, dans le but de prémunir les hommes contre la faim, le travail et la douleur. Afin que leur existence ne devienne pas trop aisée, Tawiskaron sème le désordre et met en place des contraintes, en créant des montagnes, des marécages, des rapides, le vent du nord, des animaux féroces et en couvrant certains poissons d’écailles. Chaque frère a le pouvoir de modifier le travail de l’autre, sans toutefois le bouleverser totalement. Ainsi, cette dynamique entre le Bien et le Mal constitue un principe non pas antithétique, mais complémentaire.
Lorsque Tsestah découvre que Tawiskaron craint les panaches de cervidés, il répand cet attribut du pouvoir sur le territoire et l’utilise pour transpercer son frère. Le sang de Tawiskaron se répand alors en se transformant en silex. Tsestah crée, par la suite, la civilisation wendat, celle de l’île de la Grande Tortue.
Par sa nature puissante et bienfaitrice, son rôle d’organisateur et de protecteur de l’ordre, Tsestah pourrait ainsi s’avérer l’ancêtre mythique des chefs wendats. En vertu de cette filiation, les cervidés seront associés à la chefferie. Ainsi, avec Tête d’orignal, Vincent évoque le symbolisme mythique associé aux cervidés et au pouvoir politique et religieux des chefs hurons.
Cette rubrique en vedette est extraite de Zacharie Vincent : sa vie et son œuvre par Louise Vigneault.