L’étoile noire sera l’objet d’un prix international posthume du Musée Guggenheim en 1960, peu après la mort de son auteur, le peintre automatiste québécois Paul-Émile Borduas (1905-1960). On retrouve dans ce tableau, considéré depuis longtemps comme son chef-d’œuvre, la synthèse du langage plastique du Borduas de la période parisienne : oppositions entre des contrastes forts (noir et blanc) et faibles (noir et brun); disposition calculée des taches noires et brunes sur le fond blanc. Ces taches ne débordent jamais la périphérie du tableau mais restent contenues dans l’aire picturale, excluant ainsi une lecture réversible (noir sur blanc ou blanc sur noir). La suggestion de mouvements dans le blanc, si l’on suit les arêtes laissées par les coups de spatule, est également caractéristique de l’œuvre de Borduas à cette époque.
Nous sommes donc invités à contempler une « étoile noire » se détachant d’un ciel blanc — l’inversion du ciel noir auquel nous sommes habitués. Borduas ne pouvait soupçonner en 1957 l’existence de ce que, depuis les années 1960, les astronomes appellent les « trous noirs ». Il en produit une image poétique avant la lettre, qui n’est pas sans faire penser à la phrase de Saint-Denys Garneau, un des grands poètes du Québec : « On a décidé de faire la nuit / Pour une petite étoile problématique ».
Cette rubrique en vedette est extraite de Paul-Émile Borduas : sa vie et son œuvre par François-Marc Gagnon.