Des images comme Fabricant de raquettes, une composition de l’artiste huron-wendat Zacharie Vincent (1815-1886), révèlent une réalité que les photographies de l’époque ne sont pas en mesure de reproduire : compte tenu des contraintes techniques de l’éclairage, les scènes d’intérieur se limitent aux installations en studio. À cet effet, les œuvres de Vincent s’inscrivent dans un registre documentaire, qui offre un témoignage sur la condition des artisans. De plus, en captant ces artisans autochtones dans leur cadre domestique, il contrevient à la perception réductrice du sujet autochtone évoluant exclusivement dans un univers dit « naturel ».
La fabrication de raquettes est une activité séculaire chez les populations nomades et semi-sédentaires sur un territoire nordique et couvert d’un important réseau hydrographique. La raquette est devenue également un symbole de l’enracinement nomade des cultures autochtones dans le territoire, mais aussi de l’adaptation des populations allochtones.
Au cours du dix-neuvième siècle, les raquettes demeurent indispensables aux militaires et aux prospecteurs, dans le travail de repérage et de construction des voies ferroviaires. À partir de 1840, elles connaissent un nouvel essor grâce à l’apparition des clubs de raquetteurs. Cette popularité entraîne une demande croissante à laquelle tentent de répondre les fournisseurs autochtones, dont le rendement passe du mode artisanal, où l’individu vend lui-même ce qu’il fabrique, au mode industriel caractérisé par une spécialisation des tâches. Les artisans de la Jeune-Lorette, le village de Vincent, aujourd’hui la réserve de Wendake située près de la ville de Québec, contrôlent alors une part importante de ce marché. Grâce à l’adaptation des méthodes ancestrales aux nouvelles réalités, ils travaillent à l’aide d’instruments sophistiqués, dans le confort de leur demeure.
Cette rubrique en vedette est extraite de Zacharie Vincent : sa vie et son œuvre par Louise Vigneault.