Le peintre des Maritimes Alex Colville (1920-2013) réalise ses premières œuvres au cours de son service en tant qu’artiste de guerre officiel durant la Seconde Guerre mondiale. Puisqu’il s’engage dans l’armée dès la fin de ses études à l’Université Mount Allison au Nouveau-Brunswick, Colville considère que sa production des années de guerre ne révèle pas vraiment son éventuel développement en tant qu’artiste. Son sentiment de n’avoir pas livré sa première œuvre de maturité avant 1950, soit quatre ans après avoir peint ce tableau à partir de croquis dessinés en 1945, est abondamment cité. Toutefois, cette peinture laisse présager de nombreuses préoccupations exprimées dans ses œuvres de plus grande maturité.
Comme par exemple ici, la composition reflète les obsessions géométriques déployées dans les œuvres ultérieures de Colville, avec une vive forme diagonale traversant la toile, du coin supérieur gauche au coin inférieur droit du plan pictural. Les soldats canadiens qui traversent le bourbier de l’estuaire de l’Escaut en Hollande sont représentés sous la forme d’une série de figures qui avancent d’un pas lourd en arrière-plan, leur poids collectif semblant pousser la figure en tête dans notre espace visuel.
Cette technique rompt la géométrie rigide de la composition, en conférant de la douceur aux lignes dures qui sont à la base de toutes les images de Colville. Bien que ce tableau n’ait pas l’accent dramatique de Horse and Train (Cheval et train), 1954, et d’autres œuvres des années 1950, il contient les germes de la préoccupation de Colville sur la place de l’être humain dans un monde brisé. Ces personnages avancent à force de volonté, une volonté déclenchée par les ordres d’autrui, mais soutenue par leur seule volonté individuelle d’agir.
Cette rubrique en vedette est extraite de Alex Colville : sa vie et son œuvre par Ray Cronin.