Vue de l’intérieur de la structure du tube et échafaudage, pont Victoria 1859
On dit souvent que le moment décisif de la carrière de Notman est cette commande qu’il obtient de la Compagnie du Grand Tronc en 1858 de photographier la construction du pont Victoria durant deux ans. Ce pont couvert (le plus long du monde à l’époque) allait enfin relier Québec par rail aux villes maritimes de la côte Est, soit Boston et New York. Durant sa construction, il est souvent qualifié de huitième merveille du monde. Le projet est une entreprise gigantesque qui exige d’immenses travaux de construction sous le fleuve Saint-Laurent gelé, avant que la travée du pont et ses rails couverts puissent être construites. Pour photographier chaque étape, Notman emploie des négatifs au collodion humide sur plaque de verre, dont il tire des épreuves sur papier albuminé. Il a dû avoir de l’aide pour déplacer l’équipement le plus lourd, mais il travaille surtout seul durant l’hiver, installé en hauteur ou en équilibre sur le pont pour trouver les meilleurs angles.
Le cadrage de cette photographie la rend presque radicale. Notman a zoomé sur le tunnel et nous place au centre des voies ferrées. S’il est impossible de voir au loin, on voit assez loin pour avoir une idée de l’échelle, de la vitesse et du pouvoir que cette structure facilitera bientôt. Cette image n’a rien de romantique. Son sujet commande une esthétique moderne, industrielle, à laquelle Notman se plie. Le résultat est austère, mais pas froid. Depuis les voies ferrées, l’angle nous donne à voir la superstructure qui se reflète en ombres hachurées sur les poutres latérales. Les ombres évoquent le monde naturel où repose cette énorme construction industrielle.