Coucher de soleil 1915
Thomson esquisse cette scène depuis un canot, presque au niveau de l’eau, avec l’univers qui l’entoure. Le coucher du soleil, illustré au moyen de teintes vives et d’une touche agitée, se reflète de tous ses feux dans le lac, ce qui en multiplie l’attrait, la magie et la puissance. Thomson peint non seulement des nuages cramoisis, mais derrière, un ciel d’un jaune-vert acide. Son intérêt constant pour les ciels, les nuages et les couchers de soleil atteint un sommet dans cette œuvre qu’il réalise au début de la période la plus prolifique et la plus accomplie (1915-1917) de sa brève carrière. Avec cette petite image, il prend des libertés et dépasse la simple documentation pour saisir un coucher de soleil dans tout ce qu’il a de lumineux, spectaculaire et éphémère.
Le rivage traverse la scène à un point proche du « nombre d’or », créant ainsi un rapport harmonieux entre le vaste ciel et les terres sombres au-dessous. Après son premier été dans le parc Algonquin, en 1913, Thomson utilise ce type de composition – une étroite bande d’eau au premier plan, une rive lointaine et un ciel immense – dans de nombreuses œuvres. Il y recourt notamment dans certains autres tableaux de couchers de soleil, mais toujours en y apportant des variantes. La composition de Ciel au coucher du soleil (Sunset Sky), 1915, dont l’effet et les couleurs sont très différents, n’est pas sans rappeler celle de ce tableau – à la fois le ciel et la rive lointaine se reflètent à la surface du lac, et la terre sombre crée deux bandes parallèles dans la partie inférieure du panneau. Coucher de soleil, également de 1915, est plus abstrait et exécuté beaucoup plus librement, bien qu’il présente le même point de vue bas et qu’il fasse autant de place aux nuages.
Thomson est fasciné par les nuages sous toutes leurs formes – nuages de tempête, nuages cotonneux des jours d’été ensoleillés, nuages de pluie ou de neige, ou, comme dans Coucher de soleil, nuages qui enflamment le ciel. Les couchers de soleil rouge sang du peintre norvégien Edvard Munch (1863-1944) font sensation au milieu des années 1880, après que l’éruption du Krakatoa, en 1883, ait provoqué l’émission d’une énorme quantité de cendres volcaniques dans l’atmosphère et des couchers de soleil comme on n’en avait jamais vu. La nature apportera une aide semblable à Thomson en mai 1915, lorsque l’éruption volcanique du pic Lassen en Californie – la « grande explosion » – donnera lieu à de spectaculaires couchers de soleil dans l’hémisphère nord.