Littoral avec précipitations 1975
Après 1971, l’eau domine l’iconographie de Paterson Ewen, mais Littoral avec précipitations est d’autant plus intéressante qu’il fait allusion à l’eau non seulement dans le sujet de cette œuvre (un littoral rocheux lointain sous une forte averse), mais aussi dans la technique et les matériaux employés (lavis à l’acrylique à base d’eau sur papier fait à la main).
Lors de son retour à la peinture figurative après les dernières œuvres de la série Lifestream (Courant de vie), Ewen a commencé à faire appel à des illustrations scientifiques pour représenter la pluie, comme dans Thunder Cloud as Generator #1 (Nuage orageux comme générateur #1) et Thunder Cloud as Generator #2 (Nuage orageux comme générateur #2), toutes deux de 1971, ce qui semble avoir été un moyen efficace pour illustrer les cycles de la nature. Au moment où il crée Littoral avec précipitations cependant, il s’inspire plus probablement des estampes japonaises et de Vincent van Gogh (1853-1890), notamment de ses œuvres Le pont sous la pluie (d’après Hiroshige), 1887, et La pluie, 1889.
Décrivant en partie l’inspiration de cette œuvre, Ewen raconte : « J’ai tiré les littoraux de ces nouvelles peintures d’un livre très particulier. C’est un livre maritime japonais. » En fait, il s’agit d’un livre de navigation pour pilotes de navires (Views in Naikai, s. d., publié par l’Agence de la sécurité maritime à Tokyo, au Japon) qu’il a trouvé dans une librairie d’occasion. En regardant les photographies du littoral accompagnées de dessins schématiques pour aider les pilotes à trouver leur chemin à travers les îles japonaises, Ewen se rend compte qu’il a trouvé des images d’un littoral qu’il a envie de dessiner et qui sont exactement de la façon dont il veut les dessiner. Ce littoral apparaît dans plusieurs œuvres de l’artiste, dont Hail on the Coastline (Grêle sur le littoral), Rain over Water (Pluie sur l’eau) et Coastal Trip (Voyage côtier), toutes de 1974.
On ne peut que se perdre en conjectures sur les raisons qui ont poussé Ewen à accorder une telle attention à la pluie ou à la grêle, et à l’eau en général, mais ce sujet semble avoir combiné le processus de travail d’Ewen — et sa fascination pour la façon dont les choses fonctionnent — avec les thèmes du changement et du monde naturel. Lorsqu’il travaille avec une toupie sur le contreplaqué, Ewen peut simuler les mouvements physiques de la pluie et de la grêle qui tombent vite ou qui frappent violemment, mettant en scène de différentes façons les points qu’il a creusés dans Traces Through Space (Traces dans le vide), 1970, qui, à leur tour, ont provoqué les actions des gouttes d’aquarelle trouvées dans Rain Hit by Wind #1 (Pluie fouettée par le vent #1) et Rain Hit by Wind #2 (Pluie fouettée par le vent #2), toutes deux de 1971. Dans Littoral avec précipitations, le papier fait à la main est fortement texturé, faisant écho au contreplaqué brut.
L’eau est un thème dominant pour Ewen, qu’il représente les paysages marins ou les précipitations. Historiquement un symbole de renaissance et de purification et une source de vie, c’est aussi une métaphore du chemin de la vie dans le Taoïsme. Ewen s’intéressait passionnément à l’histoire de l’art, et il était un lecteur avide de littérature et de philosophie. Il n’est donc pas exagéré de supposer qu’une grande partie de ce symbolisme ait fait son chemin et inspiré ses images de l’eau.