Véritable amour patriotique 1971
Avec cette manifestation de Véritable amour patriotique – créée en accompagnement de l’exposition du même titre présentée au Musée des beaux-arts du Canada –, Wieland rejoint d’autres artistes des années 1960 et 1970 qui réalisent des livres uniques ou encore des œuvres-livres publiées à plusieurs exemplaires, jouant sur la forme, l’aspect et la fonction du livre conventionnel.
Ici, Wieland utilise une publication du gouvernement canadien sur les fleurs arctiques – un ouvrage d’apparence officielle avec sa reliure bourgogne foncé et son lettrage doré imprimé en relief. Au contenu original de l’ouvrage, qui consiste en de la prose scientifique, des dessins au trait de spécimens botaniques et quelques cartes géographiques, Wieland ajoute des photographies et du texte, créant ainsi une sorte de collage. Elle fixe également des images aux pages du livre par des points de couture qui demeurent visibles.
Une fois le travail accompli, le livre en entier a été rephotographié, puis imprimé et vendu sous la forme d’un catalogue d’exposition. Une pochette à la fin de l’œuvre-livre contient de l’information utile sur l’exposition, mais du reste, il ne s’agit clairement pas d’un catalogue. Certaines photographies renvoient à des pièces de l’exposition, mais celles-ci sont souvent des vues partielles, floues ou encore, entremêlées.
Les images en noir et blanc de l’œuvre-livre laissent une impression très différente de l’exposition Véritable amour patriotique, qui elle est colorée et humoristique. Cet objet peut d’ailleurs être considéré comme une importante contribution à l’art conceptuel, tel qu’en témoigne l’interaction de page en page entre image, texte et autres formes d’inscriptions. Des fragments de texte, imprimés ou manuscrits, apparaissent et s’estompent. Ces textes en différentes langues (français, anglais, inuktitut et gaélique) se composent de coupures de journaux, de chansons, d’informations historiques, ainsi que d’extraits d’un scénario de Wieland sur Tom Thomson (1877-1917). (Ces fragments de scénario sont à l’origine de son long métrage The Far Shore, 1976.)
Les photographies agrafées ou cousues dans le livre reproduisent notamment des paysages, des traces de raquettes dans la neige, de multiples reproductions du tableau de Thomson Le vent d’ouest, 1916-1917, ainsi que la reconstitution par Wieland de la marche héroïque de Laura Secord durant la guerre de 1812. Par ces éléments ajoutés, l’ouvrage original portant sur les fleurs arctiques se transforme en une sorte de représentation plus complexe du paysage. Le lecteur qui le feuillète n’y trouve aucune image dominante du territoire canadien. Le pays est plutôt abordé comme une sorte de palimpseste où s’entrecroisent une variété de voix, d’images et de textes.