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L’Hommage à Rosa Luxemburg, 1992

L’Hommage à Rosa Luxemburg

Jean Paul Riopelle, L’Hommage à Rosa Luxemburg, 1992
Acrylique et peinture en aérosol sur toile, 155 x 1 424 cm (1er élément); 155 x 1 247 cm (2e élément); 155 x 1 368 cm (3e élément)

© Succession Jean Paul Riopelle / SOCAN (2019)
Musée national des beaux-arts du Québec, Québec

Lorsqu’il apprend la mort de Joan Mitchell (1925-1992), sa compagne pendant vingt-cinq ans, Riopelle décide de lui consacrer un immense triptyque composé de trente peintures qu’il intitule L’Hommage à Rosa Luxemburg. L’œuvre, qui se décline comme une « une succession de tableaux animaliers », n’est pas peinte à la spatule, un outil largement associé à Riopelle, mais à la bombe aérosol, une technique qui marque sa fin de carrière.

 

Dans ce détail de L’Hommage à Rosa Luxemburg, 1992, l’oiseau percé d’une flèche (à la droite) représente Joan Mitchell. © Succession Jean Paul Riopelle / SOCAN (2019).

L’artiste crée son œuvre en posant ses panneaux à plat, sur une table, l’un après l’autre. Pour produire L’Hommage à Rosa Luxemburg, une œuvre de plus de 10 mètres de long, il utilise trois rouleaux de toile qu’il déroule au fur et à mesure pour y peindre. Sur la toile, il pose divers objets de la vie courante, certains plus inusités que d’autres, allant des volatiles morts à des fers à cheval, des ventilateurs de radiateur, divers outils, des boulons, des clous et des vis. Riopelle projette sa peinture à la bombe aérosol sur chaque objet et obtient ainsi de vraies empreintes, laissant sur la toile des silhouettes ou des taches. Cette évocation des objets par leur absence est particulièrement significative lorsque l’on considère que l’œuvre est peinte dans le contexte du deuil d’un être cher.

 

Le titre de la composition provient de l’habitude qu’avait Riopelle d’appeler Mitchell sa « Rosa Malheur », un jeu de mots ironique renvoyant d’abord à Rosa Bonheur (1822-1899), une peintre animalière française célèbre sous le Second Empire; ensuite à Rosa Luxemburg (1871-1919), une fameuse militante socialiste et théoricienne marxiste opposée à la Première Guerre mondiale, et morte assassinée à Berlin en 1919 pendant la révolution allemande qui devait conduire à la république parlementaire démocratique connue comme la République de Weimar. Riopelle n’est pas plus intéressé par la peinture de la première, que par les idées politiques de la seconde; mais de cette dernière, il a retenu l’habitude de procéder par messages codés dans sa correspondance écrite, tel que le faisait Luxemburg lorsqu’elle était emprisonnée. Et d’une certaine manière, on peut considérer L’Hommage à Rosa Luxemburg comme une œuvre codée, racontant sous forme symbolique plusieurs épisodes de leur vie commune. Y sont par exemple évoqués ses rencontres avec Sam Francis (1923-1994), son décor pour une pièce de théâtre et Joan Mitchell bien sûr, tel un oiseau percé d’une flèche.

 

Riopelle peint L’Hommage à Rosa Luxemburg dans son atelier de l’Île-aux-Oies. Cette impressionnante fresque « dont les signes et les codes relatent, comme en filigrane, sa rencontre avec Mitchell », a été peinte « d’un même élan ». Si l’effet visuel est particulièrement festif, la composition chargée donnant à voir nombre de formes dansantes en surface, soulignées de couleurs vives et chatoyantes, l’œuvre n’est est pas moins une de deuil. Riopelle le souligne par ces mots : « Aujourd’hui, il n’y a plus de Rosa Malheur. Il n’y a même plus de Rosa Bonheur. Toutes les Rosa sont mortes ».

 

 

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