Le comté McGilvary 1962
Peinte l’année suivant son départ du village espagnol de Chinchón pour le Canada, ce tableau aux couleurs vives et au thème apparemment festif contraste fortement avec le travail sombre et intense de sa période espagnole. Dans un foisonnement de couleurs et de détails, il transpose sa vision des visages de proches décédés, flottant au-dessus d’un paysage imaginaire et d’une table surabondante, dressée pour la fête. Le cadre du tableau (invisible dans la plupart des reproductions) fait partie intégrante de l’image et son motif évoque peut-être un intérêt pour l’art folklorique local. D’où viennent ces couleurs et cette expressivité? Dans son autobiographie, Chambers écrit :
Au cours de l’année 1961, j’ai fait la découverte de De Kooning, de Pollock, de Klee et de Kandinsky. Je n’avais jamais vu leurs œuvres, ce qui comprenait tout ce qui s’était passé en peinture depuis Juan Gris et Picasso. J’ai commencé à faire des textures dans les surfaces de mes panneaux avec un mélange de colle de peau de lapin et de poussière de marbre. Après séchage, je pouvais corriger le relief avec du papier sablé. J’enduisais ces surfaces de gesso, puis je versais sur elles diverses couleurs de peinture-émail pour la maison, que j’aspergeais de térébenthine pour les faire couler. Ensuite, j’inclinais le support d’un côté, puis de l’autre jusqu’à l’apparition d’effets intéressants, et je le déposais à plat et le laissais sécher ou j’ajoutais plus de peinture et de térébenthine.
Chambers montre sa connaissance grandissante de l’art international récent, tout en se concentrant, grâce en partie à des photos de ses proches, sur son propre patrimoine et le contexte local. Le comté McGilvary est moins un pont entre son travail d’ici et son travail espagnol qu’un saut dans un nouvel environnement créateur.