Zacharie Vincent Telariolin chef huron et son portrait peint par lui-même v. 1875
Dans cette œuvre au fusain, Vincent se représente devant son chevalet dans une scène extérieure. Il est assis sur un billot et tient une palette et un pinceau tendu vers la toile. Ses pieds reposent sur des touffes d’une herbe clairsemée. Derrière lui, une maison miniaturisée présente une fenêtre qui s’ouvre sur un fond sombre. En combinant l’autoportrait et une vue de l’atelier de l’artiste, Vincent montre un environnement qui évoque la démarche de création de l’artiste et met en valeur son statut professionnel. Ici, toutefois, l’atelier se trouve dans un paysage.
Cet autoportrait en pied est sans doute réalisé à partir des photographies du studio du photographe Louis-Prudent Vallée (1837-1905) à Québec. Pour réaliser la tête, Vincent aurait recouru, comme référence visuelle, à la photographie en buste, comme en témoigne la ressemblance des traits du visage, du modelé et des ombres. Vincent peut aussi avoir utilisé le support papier comme stencil, en le superposant sur la photographie. Le traitement de la tête est d’ailleurs plus naturaliste comparativement au reste du corps, qui est interprété plus librement. La pose qu’il emprunte devant son chevalet s’apparente aussi à celle de la photographie de Vallée.
Une lecture croisée avec les photographies de Vallée présente des indices de la possible signification que Vincent aurait attribuée aux composantes de l’œuvre. L’œuvre au fusain présente une hybridation de l’identité huronne et de celle de l’artiste, comme l’indique l’inscription au bas : « […] chef huron et son portrait peint par lui-même ». Cette catégorie identitaire inédite a simultanément pour effet d’ébranler les schèmes de représentation du sujet autochtone et d’attester que Vincent est à la fois le sujet et l’auteur du portrait. Cette précision permet également de distinguer l’œuvre des portraits réalisés par d’autres artistes, et de lui octroyer une plus-value.