Zacharie Vincent Telari-o-lin, chef huron et peintre v. 1875-1878
L’autoportrait est réalisé, encore une fois, à partir d’une photographie de Louis-Prudent Vallée (1837-1905), un portrait en studio à mi-corps que Vincent aurait utilisé comme modèle pour Zacharie Vincent Telariolin chef huron et son portrait peint par lui-même, v. 1875, à en juger par le rendu détaillé des traits, des ombres et de la masse des cheveux. Vincent a également pris soin d’authentifier l’œuvre au moyen d’une légende en français et en anglais : « ZACHARIE VINCENT TELARI-O-LIN CHEF HURON ET PEINTRE / Son Portrait Peint Par lui Même / ZACHARIE VINCENT TELARI-O-LIN INDIAN HURON CHIEF AND PAINTER HIS PORTRAIT PAINTED / By Himself ». L’inscription bilingue semble suggérer sa destination au marché touristique.
Vincent se représente à mi-corps et confronte directement le spectateur. Le cadrage se resserre sur la figure qui occupe pratiquement tout l’espace. Contrairement au rendu soigné et détaillé du visage, les mains sont plus schématisées. Le wampum ceignant sa poitrine et la ceinture fléchée rouge et bleu entourant sa taille se présentent notamment en aplat, sans ombre ni modelé.
Cet autoportrait est aussi le seul à présenter en arrière-plan un paysage forestier dominé par des collines ensoleillées, rayonnant dans un ciel bleu clair, un panorama qui contraste avec l’horizon crépusculaire dans la toile Portrait de Zacharie Vincent, Le Dernier des Hurons, 1838, réalisée par Antoine Plamondon (1804-1895). À l’époque, cette fusion du portrait et du paysage participe de la tradition romantique et du nouveau dialogue que la civilisation euro-américaine entretient avec la nature : dans le contexte proto-industriel, la nature et le sujet autochtone sont considérés comme deux éléments menacés de disparition.
Le parallèle entre le chef flamboyant et la nature lumineuse aurait sans doute permis à Vincent de renverser le discours alarmiste associé au soi-disant déclin de sa communauté. Il en va de même pour le motif de la figure humaine dans le paysage, qui permet, à l’époque, à la population du Bas-Canada d’exprimer l’expérience d’apprivoisement du territoire, alors que pour le sujet autochtone, ces zones charrient plutôt une connotation de revendication et de liberté à sauvegarder.