Signes avant-coureurs d’une tempête de neige 1915
Quelques mois après la réalisation de cette pièce ténébreuse, Lawren Harris (1885-1970) et le docteur James MacCallum voient Thomson esquisser une scène similaire alors qu’ils l’accompagnent dans le parc Algonquin au début du printemps 1916. Dans The Story of the Group of Seven, Harris raconte :
Je me souviens d’un après-midi au début du printemps sur la rive d’un des lacs Cauchon dans le parc Algonquin, où un gros orage s’est déclaré. De violentes rafales balayaient le lac et toute la nature était plongée dans la tourmente. Tom et moi étions dans une cabane de bûcherons abandonnée. Lorsque la tempête a éclaté, il a regardé à l’extérieur, a saisi son matériel d’esquisse, est sorti en courant dans la tourmente, s’est accroupi derrière une grosse souche et s’est mis à peindre avec fureur. Il faisait corps avec la tempête en furie, mais son agitation, aussi extrême fût-elle, était néanmoins contrôlée. En vingt minutes, Tom avait saisi sur le motif la puissance spectaculaire des tempêtes nordiques. C’était là une illustration parfaite, me suis-je dit, du rôle de l’artiste : il doit accueillir avec une détermination sans faille les manifestations de la vie chez l’être humain et dans la vaste nature, et les traduire en expressions porteuses d’un sens vital, contrôlé et ordonné.
Cette description saisissante de Thomson au travail par une personne qui le soutient et le suit depuis leur rencontre vaut mieux que toutes les conjectures émises par d’autres. Harris connaît lui-même le pouvoir de la totale concentration qui se manifeste lors du processus de création, et il l’observe chez Thomson.
Cette image, avec son nuage sombre et menaçant, incarne la peinture dans l’instant présent, pure action et émotion. Elle est maîtrisée, mais montre également à quel point la nature peut être indomptable d’un point de vue humain. Les larges traits verticaux à gauche et le nuage noir et furieux sur un ciel lumineux à droite sont mis en évidence par les terres sombres et tout aussi inquiétantes, où de maigres arbres sont sur le point d’être arrachés par une force à laquelle ils ne peuvent résister.
Signes avant-coureurs d’une tempête de neige se situe à une extrémité du spectre dans le large éventail de sujets et de traitements de Thomson, à l’opposé de ses scènes nocturnes, de ses couchers de soleil et de ses représentations florales. Comme le constate Harris, Thomson atteint un point où sa main, son esprit et son cœur convergent sur une seule et même cible conçue à merveille.