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Énigmes/Rose [3] 1998

Énigmes/Rose [3]

Tim Whiten, Enigmata/Rose [3] (Énigmes/Rose [3]), 1998

Drap d’hôpital taché de café, 218,4 x 198,1 cm

Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de la Olga Korper Gallery, Toronto

Énigmes/Rose [3] est tirée de la série fondamentale de Whiten, qui se décline en trois parties : Enigmata (Énigmes), 1994-1996, Enigmata/Rose (Énigmes/Rose), 1996-1998, et Enigmata/Shower of Roses (Énigmes/Pluie de roses), 2002. Toutes les œuvres de la série Énigmes ont été faites à partir de draps d’hôpital récupérés et teints avec du café. Pour Énigmes et Énigmes/Rose, créées à Toronto, l’artiste a utilisé des draps en percale de coton blanc, et pour Énigmes/Pluie de roses, réalisée au Brésil, il a opté pour de la mousseline écrue. Intégrant des matériaux naturels et trouvés, chaque pièce de cette série est destinée à être fixée au mur et ainsi à occuper un espace entre deux et trois dimensions. Comme dans des œuvres précédentes de Whiten, la figure humaine est ici représentée in absentia, sa présence étant attestée par les traces physiques laissées sur les draps de l’hôpital.

 

Dans les deux premières séries, le cachet de la buanderie de l’hôpital est visible, tout comme les déchirures, les réparations et les taches sur le tissu. Comme sur un linceul, nous voyons les émanations d’une présence et d’une absence corporelles, les permutations subtiles des forces vitales entrelacées dans le tissu encore marqué par les ondulations et les stries laissées par le café versé, dont la coloration rappelle celle des fluides corporels. Une dépression visuelle délimite la position de la tête. Entre l’image et l’objet, la qualité viscérale des œuvres, les bords non encadrés des draps et l’arôme du café retenu par les fils des textiles évoquent une expérience somatique sans intermédiaire.

 

Tim Whiten, Enigmata [3] (Énigmes [3]), 1996, drap d’hôpital taché de café, 218,4 x 198,1 cm, avec l’aimable autorisation de l’artiste et de la Olga Korper Gallery, Toronto.
Tim Whiten Last Night, Night Before (Hier soir, avant-hier soir), 1997, textiles, fonte, aimant, 30,5 x 244 x 823 cm, The Robert McLaughlin Gallery, Oshawa. Vue d’installation de l’exposition Elemental: Oceanic (Élémentaire : océanique), 2022, The Robert McLaughlin Gallery, Oshawa, 2022, photographie de Toni Hafkenscheid. Dans Hier soir, avant-hier soir, réalisée avec des résidus magnétiques et des vêtements abandonnés, le corps humain est également mis en scène par son absence.

Le choix de Whiten pour des draps d’infirmerie reflète son exploration continue des thèmes soulignant les cycles de la vie, évidente dans des œuvres comme Morada, 1977, et Metamorphosis (Métamorphose), 1978-1989. Chaque impression corporelle a sa propre cadence et transmet ainsi un récit personnel d’événements et d’interrelations. Portant l’énergie en différentes couches de vies vécues, l’impression révèle une iconographie indexée de fluides corporels – des manifestations de la naissance, de la mort, du sommeil, de la souffrance, de la maladie, de la guerre, de la présence et de l’absence –, comme s’ils témoignaient des transmutations physiques de la vie. Collectivement, ils se déploient comme des cartes de l’expérience humaine.

 

« Les marques sur ces œuvres Énigmes documentent un acte de passage qui a laissé une empreinte viscérale de ce qui était présent auparavant », commente l’artiste. Dans cette série, l’immatérialité et la fugacité des linceuls de Whiten rappellent la nature provisoire du corps physique en tant que réceptacle temporel. Selon l’artiste, « ils représentent le passage à travers le portail et permettent de comprendre la matérialité en tant que vestige et réceptacle de la transcendance ».

 

Le titre de la série, Énigmes, évoque ce qui est obscur, ou plus particulièrement une compréhension ou une connaissance ésotérique qui échappe à l’entendement conscient. Dans Énigmes/Rose, l’empreinte d’une rose représente le cœur humain. Symbole complexe qui englobe la passion terrestre et la perfection céleste, il est aussi le point central de la croix et de l’unité, un portail ou une ouverture vers ce qui est indéfinissable. Reprenant les phrases du poète soufi Djalāl ad-Dīn Muḥammad Balkhi dit Rûmî (1207-1273), cette série pose les questions : « Qu’est-ce que le corps? Cette ombre d’une ombre de votre amour, qui contient en quelque sorte l’univers entier? »

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