Métamorphose 1978-1989

Tim Whiten, Metamorphosis (Métamorphose), 1978-1989
Performance rituelle; vase rituel (peau d’ours tannée, cloches en laiton, attaches en coton), oreiller gris (forme synthétique en coton), coquilles d’œuf écrasées, quatre bougies et récipients en verre votifs, quatre tuiles d’encens, 254 x 254 cm installée
Musée des beaux-arts de l’Ontario
Les images ci-dessus illustrent les différentes étapes du processus rituel de Metamorphosis [Stage I] (Métamorphose [Étape I]), 1978, photographies de Grant McLeod.
Gauche : Tim Whiten, Métamorphose [Étape I], 1978, étape 1.15. Centre : Tim Whiten, Métamorphose [Étape I], 1978, étape 1.21. Droite : Tim Whiten, Métamorphose [Étape I], 1978, étape 1.9.
Toutes les photographies ont été imprimées sur du papier Canson Baryta photographique 310, 61 x 45,7 cm (format portrait), 45,7 x 61 cm (format paysage), Musée des beaux-arts de l’Ontario, Toronto.
Métamorphose est la performance rituelle fondamentale de Whiten. Les différentes manifestations de ce projet évolutif ont été développées et présentées pendant une décennie. Sa création coïncide avec la place grandissante de l’art de la performance dans les années 1970. À l’instar de l’artiste allemand Joseph Beuys (1921-1986), Whiten participe à l’exploration du rituel et des propriétés symboliques des matériaux dans ses performances.
L’Étape I de Métamorphose a lieu en 1978. Durant quatre heures, dans un studio de Toronto, Grant McLeod, un taxidermiste professionnel, et son assistant cousent une peau d’ours, côté fourrure vers l’intérieur, autour de l’artiste. En 1980, l’Étape II est présentée à la Bau-Xi Gallery de Vancouver, où Whiten expose la peau d’ours tannée sur un lit de coquilles d’œufs écrasées. La même année, l’Étape III est présentée à la Bau-Xi Gallery de Toronto, avec une performance rituelle réalisée avec le danseur et chorégraphe Terrill Maguire. En revêtant la peau d’ours, Whiten redevient un artefact vivant. Avec beaucoup d’efforts, de sueur et de larmes, il s’efforce de se libérer de ses entraves sans utiliser ses mains. La performance, qui dure quarante-cinq minutes, est accompagnée de tambours africains dans lesquels l’artiste puise son énergie. Pour l’Étape IV, Whiten expose la peau de Métamorphose comme un artefact rituel dans une vitrine de musée en verre à la Olga Korper Gallery en 1989.

En 2016, l’Étape II est présentée à nouveau au Musée des beaux-arts de l’Ontario dans le cadre de l’exposition Toronto: Tributes + Tributaries, 1971-1989 (Toronto : Hommages + tributaires, 1971-1989). Cette fois, la peau d’ours tannée, munie de cloches en laiton et d’attaches en coton, est posée sur un oreiller rectangulaire en coton gris, au-dessus d’un grand lit circulaire de coquilles d’œufs écrasées, disposées en anneaux concentriques. Une bougie votive et une tuile d’encens sont placées à chacun des quatre points cardinaux pour marquer ce réceptacle rituel. Allumées de manière solennelle pendant l’installation, elles brûlent jusqu’à la fin de la représentation, leur odeur imprégnant l’espace.
Pour Whiten, cette performance est une métaphore de la renaissance spirituelle et de la transformation de la conscience. Le fait d’être enfermé dans une peau suturée s’apparente à une hibernation; il faut résister à l’envie de se libérer prématurément, comme si l’on était niché dans un cocon. Dans cet état d’immobilité, l’artiste doit surmonter de puissants sentiments de claustrophobie et de vulnérabilité, et faire confiance aux personnes qui s’occupent de lui. S’échapper de ce réceptacle sans utiliser ses mains s’apparente à un papillon qui sort de sa chrysalide, ou à un oisillon qui émerge de sa coquille. La peau d’ours et les éléments tridimensionnels qui l’accompagnent deviennent le résidu de cet acte rituel, la preuve de la transformation. « La pièce traite de la naissance et de la renaissance …. Il s’agit d’un vestige, d’un dispositif de mémoire », explique l’artiste.
L’Étape II met également en évidence la présence de différentes réalités et de différents états d’être, comme le montre l’histoire taoïste du philosophe chinois Tchouang Tseu (v.369-286 avant J.-C.) : « Tchouang Tseu rêva qu’il était papillon, voletant, heureux de son sort, ne sachant pas qu’il était Tchouang Tseu. Il se réveilla soudain et s’aperçut qu’il était Tchouang Tseu. Il ne savait plus s’il était Tchouang Tseu qui venait de rêver qu’il était papillon ou s’il était un papillon qui rêvait qu’il était Tchouang Tseu. Entre Tchouang Tseu et un papillon, il doit y avoir une différence! C’est ce qu’on appelle la transformation des choses. »