La religieuse 1951
En hiver 1951, Borduas interrompt pour une courte période sa production picturale pour s’adonner à la sculpture sur bois, produisant près d’une douzaine de ces statuettes. En février,
il écrit à son ami, le docteur J.E. Martin de Toronto, pour s’excuser de ne pas lui avoir répondu plus tôt : « Une sculpture — je fais des sculptures sur bois de ce temps-ci — prit tout mon temps ». De petites dimensions, elles sont généralement de 28 à 35 centimètres de hauteur, sauf une, Égypte, qui mesure 43 centimètres. La plupart ont reçu des noms de pays : États-Unis, France, Japon, Égypte, Grèce, Russie, Angleterre et, bien sûr, Canada. Les titres inspirés par des noms de pays cachent des propositions érotiques. La Religieuse, qui semble représenter une sœur catholique dans la prière, est plus franchement érotique et controversée.
Écrivant au collectionneur L.V. Randall en février 1951, Borduas donne des titres aux quatre sculptures qu’il vient de terminer : Petite paysanne au pied d’âne; Les deux seins haut perchés; Le cas féminin et Construction érotique. On ignore ce qui le fait changer les titres lors de leur exposition à son atelier du 2 au 4 juin 1951. Veut-il ménager les susceptibilités de sa femme? Ne pas scandaliser ses enfants? Quoi qu’il en soit, les allusions sont pour la plupart assez explicites pour que les titres inspirés de pays ne trompent personne.
Grâce à ce groupe de sculptures qui donnent corps et volume aux objets de ses tableaux automatistes, Borduas ouvre, au Québec, le champ de la sculpture non figurative. Même d’humbles dimensions, elles indiquent la voie dans laquelle Armand Vaillancourt (né en 1929) s’engage dans le même temps. Sa sculpture monumentale L’Arbre de la rue Durocher date de 1953-1954. La Famille, de Robert Roussil (1925-2013), date de 1949; cette dernière œuvre fait scandale au point que la police la retire de la circulation. Tandis que l’œuvre de Roussil est pour la plupart figurative, Borduas indique une voie plus abstraite.