Femme à la mandoline 1941
Femme à la mandoline est un sujet qui serait aisément attribué aux cubistes. Eux-mêmes l’avaient emprunté à Jean-Baptiste-Camille Corot (1796-1875), mais l’avaient transformé. Une version de Pablo Picasso (1881-1973), Jeune fille à la mandoline (Fanny Tellier), rend le sujet en monochrome, les plans s’imbriquant les uns dans les autres, avec des combinaison de vues abstraites de face et de profil. Le tableau de Borduas ne va pas jusque-là. Il fait poser sa femme, Gabrielle Borduas, et révèle, en lui découvrant les seins, le sujet érotique sous-jacent à ce thème : la femme s’éveille à l’amour sous les caresses de l’homme, comme la mandoline donne des sons lorsqu’on touche ses cordes.
Femme à la mandoline de Borduas est un tableau solidement construit, le personnage se détachant d’un fond où paraissent des losanges mettant en valeur le visage du modèle. Ce dernier est maçonné à la spatule, alors que le reste du tableau semble avoir été peint au pinceau. Borduas revient sur le sujet de la mandoline dans une gouache de 1942, Mandoline ou No 38, qui a appartenu à Pierre Elliott Trudeau. Mais cette fois, seul l’instrument de musique est représenté, posé au sol comme un élément de nature morte cubiste, montrant que Borduas s’était réconcilié avec l’idée d’un rapport avec le cubisme, peut-être sous l’influence d’une grande exposition de l’œuvre d’Alfred Pellan (1906-1988) à la Art Association of Montreal l’année précédente. En 1942, c’est au tour de Borduas d’avoir son exposition solo, intitulée Œuvres surréalistes de Paul-Émile Borduas, à l’Ermitage. Revenant plus tard sur cette exposition, Borduas notera : « L’exposition des gouaches en 1942, que nous croyions surréaliste, n’était que cubiste. Il a fallu cinq ans pour le voir ».