Épanouissement 1956
Paradoxalement, c’est dans ce tableau peint au début du séjour de Borduas à Paris que l’appartenance à l’ « American-type painting », pour citer les mots du critique Clement Greenberg, est la plus nettement exprimée. À Paris, Borduas se sent de plus en plus « Américain », ou au moins de l’Amérique, et de moins en moins « Français ». Il lui aura fallu le déménagement en France pour en prendre conscience. Épanouissement témoigne de l’impact de la peinture new-yorkaise sur Borduas et le détache définitivement de l’automatisme tel que défini dans les années 1940. Borduas ne renonce pas pour autant à la non-préconception de son tableau sauf que, cette fois, l’aventure se tourne vers un pôle différent.
Véritable tableau all-over, sans hiérarchie entre les éléments et sans point de focalisation important sur toute la surface peinte, Épanouissement donne l’impression qu’il pourrait se continuer au-delà du cadre du tableau, ou qu’un fragment pourrait créer le même effet que ce qui nous est donné à voir. Greenberg utilise le terme all-overness afin d’établir une distinction claire entre la tendance européenne à composer le tableau en donnant plus ou moins d’importance aux éléments du tableau — comme en maintenant une certaine opposition entre le centre et la périphérie dans la peinture de Georges Mathieu (1921-2012) — et en attirant l’attention sur des détails jugés plus importants, comme les personnages dans l’œuvre de Jean Dubuffet (1901-1985). Pour Greenberg, dans son refus de mettre en question ses vieilles attaches avec l’image bien composée, la peinture européenne cède la place à la peinture américaine, à l’école de New York, qui occupe désormais la place que l’école de Paris avait occupée durant la première moitié du vingtième siècle.
Épanouissement a été acquis par Gisèle et Gérard Lortie, collectionneurs et amis de Borduas, à son atelier parisien en février 1958.