Le conteur : l’artiste et son grand-père 1978
Norval Morrisseau réalise Le conteur : l’artiste et son grand-père deux ans après son initiation aux enseignements d’Eckankar. Il s’y représente en tant que jeune garçon, reconnaissant ainsi respectueusement tout ce qu’il doit à son Mishomis anishinabé, son grand-père maternel, Moses Potan Nanakonagos. Ce dernier apparaît dans le panneau de gauche, royalement entouré d’esprits et de couleurs des mondes naturel et surnaturel; il est prêt à raconter ses histoires au jeune que l’on voit dans le panneau de droite. Les deux panneaux sont liés, mais ils divergent également.
Morrisseau utilise les éléments formels tels que la couleur, la ligne et la composition pour renforcer la signification de l’œuvre. En représentant les personnages à l’aide de couleurs similaires et de lignes de même importance, il montre le lien qui unit ces deux membres d’une même famille et illustre ainsi la respectueuse transmission intergénérationnelle du savoir. De plus, en plaçant le conteur âgé dans une solide composition pyramidale, Morrisseau indique que son grand-père est bien ancré dans son rôle de gardien du savoir. Le garçon reçoit l’information spirituelle sous la forme d’un oiseau-poisson qui plonge en diagonale depuis le côté opposé de la composition.
Toutefois, en peignant deux panneaux distincts, Morrisseau souligne dans le même temps les différences entre les deux figures masculines. Le contraste entre les bleus et les mauves froids utilisés comme couleurs de fond dans le panneau de gauche, et les jaunes et rouges chauds dans le panneau à droite campe distinctement les deux figures et leurs visions du monde. Morrisseau annonce son éloignement des racines anishinabées pour se tourner vers la quête spirituelle d’Eckankar. D’ailleurs, le conservateur Greg Hill dénote la présence du mot « HU » dans le panneau de droite, un chant de la religion d’Eckankar qui permet de « rapprocher l’âme de Dieu ». Ce diptyque rend compte de la nouvelle orientation personnelle de Morrisseau, qui prend soin de faire une distinction entre le chamanisme de son grand-père et le sien.