Structures de tours 1967
L’œuvre Structures de tours est formée d’un groupe de piliers en béton constitués de blocs trapus empilés verticalement, laissant voir des intervalles encastrés et comportant quelques petites saillies symétriques sur certains des blocs. Elle s’inscrit dans le prolongement des toiles de la série Block (Bloc) de Nakamura, qui remontent au début des années 1950, dont Block Structure (Structure de blocs), 1956, est un exemple caractéristique, et fait également partie d’une série de sculptures empilées entreprise vers le milieu des années 1950. Structures de tours est l’une des dernières sculptures de ce type réalisées par l’artiste.
À propos de sa sculpture, Nakamura ne donne qu’une seule entrevue, en 1967. Dans un très rare moment où il parle d’une œuvre spécifique, il dit à propos de Structures de tours :
Ma préoccupation dans la sculpture, comme dans ma peinture structurelle, est la particule atomique qui est en mouvement perpétuel dans l’espace. Là où la perfection non naturelle est statique, l’imperfection naturelle implique le mouvement. Mes structures de tours sont imparfaites. Leurs surfaces en béton naturel conservent les imperfections (et donc le mouvement) du matériau lui-même, que détruirait le polissage. Elles se déplacent dans l’espace au rythme d’une légère asymétrie, comme un déplacement constant et subtil des bandes ou des blocs qui les composent. Ces formes géométriques simples, dépourvues de toute décoration « d’époque », sont toujours intemporelles par essence. Si, pour moi, ces structures semblent projeter notre époque vers l’avenir dans un environnement de tours superposées, pour d’autres, elles peuvent évoquer les reliques d’un passé ancien. Dans un cas comme dans l’autre, il est évident que je travaille avec des échos structurels architecturaux. Depuis 1958, j’alterne des formes angulaires ouvertes avec des constructions en bloc : même en peinture, j’utilise un trait en forme de bloc. Et même si je travaille « petit », j’essaie d’atteindre, par des proportions correctes, une maîtrise architecturale de l’espace.
Avec son habituelle concision, Nakamura propose ici des lectures multiples et complémentaires de l’œuvre Structures de tours.
Cette sculpture fait peut-être référence aux piles nucléaires, la plus célèbre étant celle qui a été construite à Chicago en 1942 et qui a généré, le 2 décembre de la même année, la première réaction en chaîne auto-entretenue d’origine humaine nécessaire à la production d’énergie nucléaire. Nakamura réalise cette sculpture en 1967, année du vingt-cinquième anniversaire de l’essai. Il connaît probablement la sculpture Nuclear Energy (Énergie nucléaire), 1964-1966, d’Henry Moore, qui a été installée sur le site en guise de commémoration et dont un modèle est conservé à Hiroshima. Structures de tours a également une qualité étrangement surréaliste qui rappelle les paysages urbains dévastés d’Hiroshima et de Nagasaki, où seules quelques structures sont restées debout après les explosions atomiques d’août 1945.
Les surfaces des sculptures de Nakamura sont intentionnellement imparfaites et peu polies, peut-être inspirées par l’idée néo-platonicienne que le monde physique est le reflet imparfait d’un monde aux formes idéales. Jerrold Morris, le marchand de Nakamura, déclare en 1965 que l’art de son client « continue la quête entamée par les philosophes grecs à la poursuite du terrain mouvant entre l’esprit et la matière ». Son art peut également incarner l’esthétique japonaise de l’impermanence et de l’imperfection, rendue célèbre par le romancier Jun’ichirō Tanizaki dans son essai Éloge de l’ombre, 1933. Comme en fin de compte, toutes ces lectures se rapportent à la condition humaine, il est peu probable que la qualité anthropomorphique de ces tours ait échappée à Nakamura.
Peut-être Nakamura devient-il de plus en plus conscient du passage du temps et adoucit-il sa position critique sur la nature humaine. Peut-être accepte-t-il dorénavant les imperfections humaines comme une étape nécessaire dans la recherche de la perfection – la connexion humaine à l’universel – une idée qu’il exprime en peignant à la main les chiffres et leurs grilles dans la série Number Structure (Structure numérique).