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Lac de douze milles 1944

Lac de douze milles, 1944

Kazuo Nakamura, Twelve Mile Lake (Lac de douze milles), 1944
Aquarelle, stylo et encre sur papier
19,3 x 24,4 cm
Musée canadien de la guerre, Ottawa

Lac de douze milles est l’une des œuvres que Kazuo Nakamura a peintes à Tashme, camp où il est interné avec sa famille de 1942 à 1944, en tant que « étrangers ennemis », peu après la déclaration de guerre du Canada au Japon. La scène représente un lac entouré de forêts et de montagnes, dont les reflets apparaissent dans les eaux calmes. Les couleurs sont sombres, comme pour la plupart des aquarelles qu’il a réalisées à Tashme, car Nakamura peignait au crépuscule ou pendant la nuit, dans ses rares moments de temps libre entre la coupe du bois le jour et ses cours du soir à l’école secondaire.

 

Les paysages de Tashme posent de nouveaux défis à Nakamura. Alors qu’il utilise les rues et les immeubles de Vancouver pour structurer ses scènes urbaines, ou encore les sillons des champs cultivés à l’extérieur de la ville pour asseoir ses premiers paysages (Strawberry Farm (Fraisière), v.1941), les lacs, les forêts et les montagnes de l’intérieur de la Colombie-Britannique ne semblent lui offrir qu’un désordre chaotique. C’est pourtant grâce à l’art que Nakamura comprend et parvient à mieux contrôler son nouvel environnement, et à échapper aux événements qui l’ont arraché à sa vie à Vancouver. Ironiquement, les représentations que Nakamura fait du camp, dans des tableaux comme Tashme at Dusk, July/August 1944 (Tashme au crépuscule, juillet/août 1944), montrent un monde ordonné, qui contraste avec les étendues sauvages des terres de la Colombie-Britannique.

 

David Milne, Pink Reflections, Bishop’s Pond (Reflets roses, Bishop’s Pond), 24 août 1920, aquarelle sur mine de plomb sur papier vélin, 37,7 x 54,7 cm, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa.

Lac de douze milles est sans doute le paysage le plus abouti que Nakamura ait réalisé à Tashme. L’horizon en hauteur, conséquence inévitable de la région montagneuse, lui permet d’oublier l’idée d’une perspective linéaire. Mais il continue à créer un dialogue entre la profondeur et la surface, effet que l’on retrouve aussi dans les œuvres de Vancouver. Les éléments comme la coloration sombre, l’horizon en hauteur et les montagnes en arrière-plan, et le feuillage des arbres qui fait office d’écran, servent tous à aplanir l’image. Le grand lac, en revanche, attire le regard en profondeur dans l’image, aidé par les reflets sur l’eau.

 

Le paysage avec reflets sur un lac immobile est un thème dominant des peintures emblématiques de Nakamura à la fin des années 1950 et dans les années 1960. Blue Reflections, B.C. (Reflets bleus, C.-B.), 1964, représente un autre lac entouré d’arbres et de forêts, avec une eau lumineuse sur un fond sombre. Même la technique utilisée dans Lac de douze milles, avec son réseau de lignes en pattes de mouche pour rendre les arbres, devient un élément clé des œuvres ultérieures, comme on peut le voir dans Forest (Forêt), 1953.

 

Il y a un parallèle séduisant entre Lac de douze milles et les œuvres de David Milne (1882-1953), peintre et graveur canadien. La composition de Pink Reflections, Bishop’s Pond (Reflets roses, Bishop’s Pond), 1920, présente une même ligne d’horizon en hauteur et des arbres sont dépeints pour aplanir l’arrière-plan et le plan général de l’image. Dans les œuvres de Nakamura comme dans celles de Milne, les reflets sur l’eau agissent comme un dispositif de perspective. Il est difficile d’établir où et quand Nakamura a pu voir le travail de Milne pour la première fois, mais après sa mort, une invitation à une exposition de gravures de Milne organisée par le Musée des beaux-arts du Canada (MBAC) en 1980 a été retrouvée dans ses papiers. Si Milne ne l’influence pas directement, Nakamura ressent certainement une affinité avec son œuvre.

 

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