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Images inversées 1965

Images inversées, 1965

Kazuo Nakamura, Reversed Images (Images inversées), 1965
Huile sur toile, 81,3 x 86,4 cm
Collection privée

Images inversées de Kazuo Nakamura préfigure ses œuvres abstraites tardives, marquées par une utilisation exclusive de la géométrie et des mathématiques. Dans cette représentation de fruits verts, composée de deux poires et trois pommes disposées sur deux lignes en image miroir contre un fond bleu foncé, l’artiste se trouve à un point tournant de sa pratique picturale. Il jette un regard rétrospectif vers ses tableaux antérieurs de paysages et de natures mortes à travers des œuvres comme Untitled (Sans titre), 1964, qui reproduit en miroir l’arbre en pot de Autumn (Automne), v.1950. Ici, la sobriété de l’arrière-plan avec sa coloration d’un bleu profond, la symétrie élémentaire, l’isolement des éléments figuratifs et la disposition des fruits tel un motif distillent ce qui est à venir dans des œuvres telles que Suspension 5, 1968, Spatial Concept, Geometry (Concept spatial, géométrie), 1968, et la série Number Structure (Structure numérique).

 

Kazuo Nakamura, Untitled (Sans titre), 1964, huile sur toile, 71,1 x 61 cm, Christopher Cutts Gallery, Toronto.

De nombreuses œuvres de Nakamura comportent un élément en miroir, qu’il s’agisse de reflets sur l’eau ou d’un doublement, comme dans cette peinture. Les miroirs que l’on retrouve dans la nature sont souvent déformants; par exemple, lorsque l’eau est calme, la surface de l’eau peut allonger et distordre les reflets. L’image que nous voyons n’est pas réelle. Plus encore, l’eau elle-même dissimule. Les vues de lacs de Nakamura, où l’eau est habituellement l’élément dominant, suggèrent qu’il interprète les reflets de cette manière. Sous la surface, nous ne voyons qu’un aperçu imparfait de l’ordre secret de la nature. Des tableaux comme Images inversées, entièrement concentrés sur l’effet miroir, semblent confirmer cette idée. Ici, l’artiste soulève le voile de la nature et commence à en exposer les fondements.

 

Quelles réalités les tableaux de Nakamura cachent-ils? Images inversées montre une nature mise à nu sous forme de poires et de pommes, peut-être est-ce un clin d’œil à Paul Cézanne (1839-1906), qui a notoirement peint ces fruits. Pourtant, c’est dans le bleu foncé du fond que le tableau dissimule son mystère. Cet écran bleu peut être interprété comme de l’eau ou comme le ciel nocturne qui tombe au crépuscule ou qui se lève à l’aube – ou les deux, comme la double séquence de fruits peut le suggérer. Nous voyons distinctement les fruits de la nature, mais pas encore les régularités et les suites numériques qui leur ont donné naissance.

 

Dans la culture japonaise, les miroirs symbolisent les dieux, le plus souvent Amaterasu, déesse du soleil et de l’univers. Malgré le peu d’intérêt de Nakamura pour le spiritualisme, il est impossible qu’il n’en soit pas conscient. D’une façon plus générale, au Japon, le miroir est un symbole de vérité et de sagesse.

 

Les miroirs sont également un thème populaire dans la science-fiction, notamment la notion d’univers miroir ou d’univers parallèles. Il est fort possible que Nakamura fasse référence à une telle idée. Il pourrait également évoquer le théorème de Noether. En 1915, le mathématicien allemand Emmy Noether a formalisé une preuve démontrant que l’univers se compose d’une série de symétries fondamentales en physique. C’est un concept connu sous le nom de translation spatiale qui dit, par exemple, qu’une action effectuée dans une partie de l’espace donnera le même résultat dans une autre partie de l’espace. Dans les années 1950 et 1960, les pages de Scientific American, dont Nakamura est un lecteur avide, regorgent de références à la symétrie. Il est d’ailleurs significatif qu’il ait conservé un article de ce magazine sur la découverte de particules subatomiques jumelles.

 

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