Deux horizons 1968
Deux horizons est la deuxième commande publique de Kazuo Nakamura (la première étant Galaxies, 1964), parrainée en 1966 par le gouvernement de l’Ontario et installée en 1968 dans l’édifice Macdonald à Queen’s Park à Toronto, où elle se trouve encore aujourd’hui. La toile est grossièrement divisée en deux moitiés, dans le haut, une partie bleu marine foncé et, dans le bas, une partie blanche. Tout le côté gauche est habité de grands cubes et de carrés disposés verticalement et qui donnent l’impression de basculer sur le fond blanc, alors que sur l’arrière-plan bleu, ils paraissent flotter vers le haut. Le côté droit de l’œuvre présente deux séries de carrés plus petits, soigneusement empilés tandis qu’un cercle blanc se détache en haut à droite.
Deux horizons est la dernière et la plus grande des peintures et sculptures de la série Block (Bloc), dont la création remonte à 1953 (Prairie Towers (Tours des prairies), 1956, en est l’un des premiers exemples). Les peintures métaphysiques créées par Giorgio de Chirico (1888-1978) dans les années 1910 sont souvent citées comme source d’inspiration. Toutefois, les blocs de Nakamura témoignent plus vraisemblablement de l’influence de Ben Nicholson (1894-1982) et de Paul Nash (1889-1946), deux artistes que Nakamura apprend à connaître à la Central Technical School (CTS) de Toronto, où ses professeurs sont principalement des artistes formés en Grande-Bretagne. Nakamura apprécie le travail de Nicholson et l’on peut considérer que les œuvres abstraites et épurées de l’artiste anglais s’apparentent aux œuvres de la série Bloc. Tout est légèrement décalé, imparfait : les formes géométriques sont dessinées avec des lignes qui ne sont pas vraiment droites ou des courbes qui ne sont pas tout à fait régulières. Dans les tableaux de Nash de la fin des années 1920 et 1930, on retrouve les environnements irréels également suggérés dans la série Bloc de Nakamura.
Ce que présente Deux Horizons – et ce qui est généralement vrai pour toutes les peintures de la série Bloc –, c’est le monde visuel que nous connaissons, mais sans la nature, ainsi, ne demeurent que nos suppositions et nos conceptions du monde. Ces dernières, nous dit Nakamura, ne sont pas absolument correctes; elles sont même parfois contradictoires. Il exprime cette idée en 1959, lorsqu’il décrit Tours des prairies comme « un paysage de structures abstraites transformé et fondé sur la forme extérieure actuelle d’ordre et sur les concepts de fonction et de but afin d’abriter les mécanismes complexes résultant de l’observation et de l’application croissantes de diverses sciences par l’être humain ».
Le recours à l’effet miroir dans Deux horizons vire le monde à l’envers, comme pour montrer qu’aux niveaux macro et microscopique, il n’y a ni haut, ni bas. D’une manière assez fascinante, Nakamura nous dit que nous vivons dans un monde aux dimensions multiples, dans lequel les trois dimensions que nous connaissons existent parmi d’autres, un monde « créé par l’observation croissante de l’espace par l’humanité ». À l’époque, cette idée aurait trouvé un large écho, car tous les journaux et revues ont relaté la première sortie dans l’espace en 1965, ainsi que les missions Apollo qui ont amené le premier homme sur la lune en 1969.