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Brume du matin 1951

Brume du matin, 1951

Kazuo Nakamura, Morning Mist (Brume du matin), 1951
Huile sur carton, 78,7 x 61 cm
Collection de John et Katia Bianchini

Brume du matin est un excellent premier exemple du dialogue continu qu’entretient Kazuo Nakamura avec la figuration et l’abstraction. Il s’agit principalement d’un dialogue, entre le monde visible et ses lois sous-jacentes, qui se manifeste en grande partie par des régularités. Ici, à travers la brume bleue et verte, nous apercevons les contours d’un paysage naturel ou urbain. Essentiellement, cette peinture conjugue deux manières émergentes chez Nakamura, son style de dessin d’une part, que l’on retrouve aussi dans Trees (Arbres), 1951, et la palette bleu-vert d’autre part, qui dominera l’ensemble de son œuvre peinte.

 

Katsushika Hokusai, The Care-of-the-aged Falls in Mino Province [Mino no kuni Yôrô no taki] (Les chutes de Yoro dans la province de Mino [Mino no kuni Yôrô no taki]), v.1832, estampe (nishiki-e), encre et couleur sur papier, 36 x 25,3 cm, Museum of Fine Arts, Boston.

Brume du matin reprend là où Autumn (Automne), v.1950, s’arrête. Nous observons toujours une série de régularités, mais ici, l’intention semble plutôt la mise en évidence des motifs eux-mêmes. Étrangement, la brume rend ces motifs plus visibles en oblitérant les objets qui les produisent. Comme son titre l’indique bien, le tableau est une sorte de métaphore du voile de la nature dissimulant son ordre sous-jacent.

 

Peu après son arrivée à Hamilton, Nakamura achète un livre sur l’art de Vincent van Gogh (1853-1890), livre qui pourrait avoir inspiré certains aspects de cette composition. Van Gogh, avide collectionneur d’estampes japonaises, insère fréquemment dans ses œuvres des éléments empruntés à cette tradition. Nakamura, ayant feuilleté, enfant, les magazines d’art japonais de son oncle, connaît sans doute déjà ces œuvres. Brume du matin présente plusieurs caractéristiques des estampes japonaises, notamment les couleurs vertes, et surtout bleues, ainsi que la structure linéaire des traits arachnéens créés par l’utilisation de cartes à bords tranchants ou de rasoirs pour appliquer et étaler l’encre et la peinture. Un autre artiste canadien d’origine japonaise, Takao Tanabe (né en 1926), produit à l’époque des lignes en pattes de mouche similaires, comme on peut le voir dans Mountain Landscape (Paysage montagneux), 1952.

 

Certains auteurs ont noté que le système de fines lignes en forme de grille dans Brume du matin rappelle également les œuvres de l’artiste suisse Paul Klee (1879-1940). Pourtant, des années plus tard, lorsqu’on questionne Nakamura à propos de l’influence de Klee sur son travail, il nie connaître son œuvre et reconnaît encore moins son influence. Comme le suggère Brian Grison, cette influence de Klee est peut-être indirecte. Le programme artistique de la Central Technical School (CTS), où il a étudié, est fortement imprégné par le Bauhaus, une institution artistique allemande où enseignait Klee. Et Virginia Luz (1911-2005), dont Nakamura a suivi les cours d’illustration à la CTS, recourait à un trait fin et à des lavis de couleur uniformes dans son travail, ce qui pourrait expliquer comment il en a eu connaissance.

 

Brume du matin préfigure les œuvres de la série Inner Structure (Structure intérieure) du milieu des années 1950, avec leurs couleurs appliquées de manière uniforme, principalement des verts et des bleus, et leurs lignes noires flottantes, sans lien avec un quelconque objet. Nakamura traite la ligne de façon similaire dans les sculptures en fil de fer qu’il réalise au début des années 1950. Et l’œuvre Untitled (Sans titre), vers les années 1950, pourrait facilement être confondue avec le motif linéaire qui se révèlerait dans Brume du matin une fois le brouillard dissipé.

 

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