Août, reflets du matin 1961
Août, reflets du matin est un exemple remarquable des peintures de paysages emblématiques de Kazuo Nakamura. Ce corpus devient ce que Lillian, sa femme, appelle à la fin de sa carrière ses œuvres « gagne-pain », car elles sont toujours en demande et se vendent bien. Août, reflets du matin dépeint la vue d’un lac qui s’étend au loin jusqu’à la forêt sur le rivage, sa complexité provient du délicat motif que forme le reflet des arbres et du ciel dans l’eau. Le Musée des beaux-arts du Canada (MBAC) a acheté cette œuvre l’année où elle a été peinte.
Pour la plupart, ces paysages sont plus naturalistes que réalistes, Nakamura les ayant peints à partir du souvenir de sites qu’il a visités plutôt qu’en cherchant à représenter un lieu spécifique. Occasionnellement, il fait référence à un endroit précis, comme dans Lake, B.C. (Lac, C.-B.), 1964, mais même dans ce cas, les points de repère identifiables ne sont pas suffisants pour pouvoir déterminer l’emplacement exact.
Nakamura peint des paysages depuis son internement et cette composition emprunte beaucoup aux conventions de cette période. La ligne d’horizon en hauteur et le traitement des reflets dans Août, reflets du matin sont vraisemblablement hérités des paysages du temps de Tashme tels que Twelve Mile Lake (Lac de douze milles), 1944. À partir de 1960, les reflets sur l’eau prennent une importance croissante en tant que symboles d’une réalité autre, cachée du monde visible. Nakamura inclut explicitement le mot « reflets » dans le titre de ses toiles de paysages, et ces « reflets » deviennent ultérieurement un thème dominant dans ses natures mortes et ses peintures de bloc comme Structure, Two Horizons (Structure, deux horizons), 1964.
On retrouve ici encore la couleur bleu-vert caractéristique de l’artiste, qui marie le vert luxuriant du feuillage au bleu de l’eau, puis du ciel. Cette palette est typique de l’ensemble de paysages auquel appartient Août, reflets du matin. Certains, comme celui-ci, tendent davantage vers le vert, alors que c’est le bleu qui domine dans d’autres, comme dans Blue Reflections (Reflets bleus), 1965. Le résultat est presque monochromatique, une qualité que Nakamura attribue à l’art japonais. La technique de Nakamura – application légère de courtes touches de couleur – combinée aux zones nues de la toile apprêtée crée des variations de couleurs remarquables.
La lumière dans ces paysages est entièrement générée par les pans de canevas exposé. Bien qu’unique dans son style, l’œuvre suggère une fusion de la technique impressionniste française avec le symbolisme chromatique de l’art japonais. Le bleu représente la pureté, le calme et la sérénité, alors que le vert symbolise la vitalité, la croissance et l’énergie, ainsi que l’éternité. L’emploi conjoint du bleu et du vert peut s’expliquer par le fait qu’en japonais, les mots désignant ces couleurs sont souvent employés de manière interchangeable. Nakamura a peut-être aussi eu à l’esprit les aizuri-e, telles que celles réalisées par Katsushika Hokusai (1760-1849), qui sont des estampes japonaises recourant principalement à l’encre bleue, notamment du bleu de Prusse importé d’Europe. Le blanc du ciel fait possiblement référence à la pureté.