Ô Canada 1970
Pour réaliser Ô Canada, Wieland, portant un rouge à lèvres rouge vif, chante l’hymne national en pressant ses lèvres contre une pierre lithographique à chaque syllabe. L’estampe qui en résulte présente des rangées de lèvres à différents stades d’ouverture et de fermeture. Incités par le titre de l’œuvre, les spectateurs risquent bien de sentir leur bouche se contracter dans un geste de reconnaissance. Autrement dit, Ô Canada est une sorte d’œuvre interactive.
Avec cette pièce, Wieland réagit vivement à l’un des nouveaux artefacts symboliques adoptés par le gouvernement canadien dans les années 1960 : l’unifolié officiellement déployé en 1965 (en remplacement du Red Ensign canadien) et le « Ô Canada », qui devient l’hymne national officiel en 1967. Wieland réalise plusieurs œuvres qui adoptent ou réinterprètent le nouveau drapeau, de même que celle-ci, qui s’inspire du nouvel hymne. En outre, son geste d’allégeance patriotique est délibérément sexué : l’œuvre présente des lèvres de femme, et possiblement des lèvres sensuelles. Selon l’historien de l’art John O’Brian : « la lithographie associe ironiquement l’amour patriotique masculin et l’érotisme féminin, tout en évitant d’alléger la tension entre les deux. »
Ô Canada figure dans l’exposition Véritable amour patriotique au Musée des beaux-arts du Canada, en 1971, parmi un étalage spectaculaire d’objets et d’images réalisés par l’artiste. Dans chacune de ces œuvres, Wieland déforme ou transforme de manière stratégique des symboles nationaux canadiens, traditionnels ou récents, afin de créer une nouvelle forme d’art politique. Plutôt que de tenir l’identité nationale pour acquise, Wieland invite les visiteurs à réinventer et à se réapproprier le concept de nation.
Elle emploie également à d’autres occasions l’image caractéristique des lèvres imitant le mouvement, comme si elles parlaient ou chantaient, notamment dans The Maple Leaf Forever, 1972; The Arctic Belongs to Itself, 1973; et Squid Jiggin’ Grounds, 1974. Par ailleurs, l’hymne national figure dans Ô Canada Animation, 1970, où une série de lèvres rouges sont brodées sur une pièce d’étoffe blanche.