Pavane (Hommage aux Nymphéas), 1954
Le grand triptyque Pavane est l’un des plus célèbres tableaux de Jean Paul Riopelle, non seulement parce que il a beaucoup été exposé (à Paris en 1955, 1960, 1968 et 1981; à la XXXIe Biennale de Venise en 1962; dans plusieurs musées canadiens en 1963, 1991 et 2002; à Tel-Aviv en 1970), mais aussi parce qu’il a été beaucoup commenté par la critique. L’œuvre est titrée Pavane en référence à une danse lente qu’on pratiquait à la cour espagnole, en costumes d’apparat, à partir du seizième siècle. L’œuvre, composée de trois panneaux, présente une texture signifiante, évoquant une douce rythmique qui semble diriger le jaillissement de la couleur.
Comme pour Sans titre, 1949-1950, Riopelle a créé l’œuvre en pressant l’huile directement du tube sur la surface de la toile. De toute évidence, il a appliqué le pigment avec spontanéité, guidant le mouvement de la pâte à la spatule pour sculpter des empâtements profonds et imparfaits dans le style automatiste. Aujourd’hui, Pavane trône fièrement dans la collection du Musée des beaux-arts du Canada.
Cette peinture fait référence aux derniers grands tableaux de Claude Monet (1840-1926), tels que Nymphéas, 1920-1926, du Musée de l’Orangerie à Paris. Le sous-titre Hommage aux Nymphéas et la référence explicite à Monet ont d’abord été donnés par un proche ami de Riopelle, le critique Patrick Waldberg. La rythmique des coups de spatule et des amalgames de couleurs chatoyantes de Riopelle confèrent à l’œuvre un caractère très organique, comme si elle palpitait d’une manière semblable aux Nymphéas. Ces vastes compositions figurent, sans chercher le mimétisme, les matières naturelles vivantes et changeantes, l’eau, les plantes et fleurs, la lumière fugace.
Pavane ne semble pas donner prise au souhait du critique français Georges Duthuit (1891-1973) de voir Riopelle ménager, dans ses œuvres, des « vides, [des] espaces où pourra, où devra se mouvoir la pensée ». Le peintre a plutôt créé une scène dans laquelle le mouvement l’emporte sur toute autre chose, de haut en bas et de bas en haut. La problématique de plein et de vide envisagée par Duthuit échappe à Riopelle. Même les coups de spatule en blanc – visibles dans le bas des sections de gauche et de droite; et en haut dans la section du milieu – ne créent pas de vides. Ils s’ajoutent simplement à la composition, sur le même plan que les coups de spatules colorés avec lesquels ils s’harmonisent.