Jéricho 1 1978

Yves Gaucher, Jéricho 1 : une allusion à Barnett Newman, 1978

Yves Gaucher, Jéricho 1 : une allusion à Barnett Newman, 1978 
Diptyque, acrylique sur toile, 320 x 280 cm (chaque élément)
© Succession Yves Gaucher / SODRAC (2015)

À la fin des années 1970, Gaucher ramène la diagonale dans la dynamique de la composition, et ce, à grande échelle dans une série de tableaux individuels et de diptyques intitulés Jéricho 1, 2 ou 3, et tous sous-titrés, Une allusion à Barnett Newman. Barnett Newman (1905-1970) a joué un rôle important pour Gaucher, Guido Molinari (1933-2004) et Claude Tousignant (né en 1932), car il confirme la validité de leurs propres expérimentations respectives au début des années 1960 avec de grands champs monochromes.

 

Art Canada Institute, Barnett Newman, Jericho, 1968–69
Barnett Newman, Jéricho, 1968-1969, acrylique sur toile, 268,5 x 286 cm, Musée national d’art moderne, Centre Pompidou, Paris, © The Barnett Newman Foundation, New York / SODRAC (2015).
Art Canada Institute, Yves Gaucher, Er-Rcha, 1978
Yves Gaucher, Er-Rcha, 1978, acrylique sur toile, 297,4 x 457,2 cm, © Succession Yves Gaucher / SODRAC (2015).

Dans la série des Jéricho, Gaucher est influencé par la peinture Jéricho, 1968-1969, de Newman, où ce dernier cherche à « briser le format » en relevant le défi du triangle « sans être piégé par sa forme ou la perspective », selon le critique Thomas Hess. En fait, l’enjeu de Newman rappelle celui que Gaucher s’impose dans des tableaux comme Deux bleus, deux gris, 1976 : relever le défi des bandes de couleur horizontales sans laisser la ligne horizontale le piéger dans un paysage. Avec Jéricho 1, la diagonale ressurgit, non sur les côtés, mais comme élément structurel dans le champ pictural.

 

Gaucher fait reposer la structure des Jéricho sur le thème du triangle divisé au centre à la verticale pour créer les diptyques Jéricho 1 et 2. Les deux toiles des diptyques sont juste assez distantes pour susciter la nécessaire tension dramatique qui remettra en question le besoin du spectateur de compléter le triangle, non seulement entre les deux parties des diptyques, mais également dans son élan vers le haut et au-delà des toiles. Ajoutons-y la nécessité de réconcilier, dans tout le tableau, les tensions latérales tout aussi puissantes entre et dans les deux rectangles divisés intérieurement par une diagonale. Seule la réaction kinesthésique de tout le corps peut donner la mesure de la pure étendue de ces deux Jéricho, de la simplicité de leurs moyens et de leur échelle presque environnementale. Leurs couleurs sombres favorisent la contemplation.

 

Dans Er-Rcha, le dernier tableau de la série des Jéricho (dont le titre est le nom arabe de Jéricho), Gaucher démontre sa maîtrise tant de la couleur que de la structure. Composé d’un triangle rouge irrégulier, tronqué au sommet et à droite, il est contraint par les zones blanches qui remplissent le reste de la toile rectangulaire. Les tensions sur les bords de la toile sont si extrêmes quand se rencontrent les zones de rouge et de blanc, et celle entre ces trois zones, que le tableau ne conserve sa forme rectangulaire qu’à grand peine.

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