Femme sous un arbre 1931
Femme sous un arbre (Girl Under a Tree) est un rare exemple d’un nu de femme blanche chez Heward. Ce tableau est aussi l’un des préférés de l’artiste, la seule de ses œuvres qu’elle accroche au mur de sa chambre à coucher. Même si elle peint très peu de nus représentant des femmes blanches, ses carnets de croquis conservés au Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa renferment de nombreuses études de nus tant féminins que masculins.
Comme dans le cas de Femme au bord de la mer (The Bather) et de nombreux autres tableaux de Heward, on ignore l’identité du modèle. La femme du tableau est intégrée dans le paysage, un type de représentation qui fait la renommée de son collègue montréalais Edwin Holgate (1892-1977) dans ses peintures comme Les baigneuses (The Bathers), 1937. Mais tandis que les corps féminins des tableaux de Holgate font écho au paysage lui-même, la femme dans l’œuvre de Heward semble déplacée parce qu’elle n’est pas allongée près de l’eau comme si elle avait nagé, et la faible lumière du jour indique qu’elle ne s’est pas déshabillée dans le but de prendre un bain de soleil. L’artiste et critique John Lyman (1886-1967) souligne cette dissonance dans son journal : « Un nu de Bouguereau sur un fond de Cézanne ». Autrement dit, la façon dont Prudence Heward peint le corps de cette femme est très différente du style utilisé pour le paysage à l’arrière-plan. Quoi qu’il en soit, selon le peintre du Groupe des Sept A. Y. Jackson (1882-1974), l’artiste Arthur Lismer (1885-1969) le considère comme « le meilleur nu jamais peint au Canada ».
L’accueil largement favorable réservé au tableau de Prudence Heward révèle ce qui est acceptable ou non dans le milieu de l’art canadien au début des années 1930. Quand Femme sous un arbre est intégré dans l’exposition du Groupe des Sept tenue en décembre 1931, il suscite des commentaires et une légère controverse, mais ne fait pas scandale. Lorsque Lilias Torrance Newton (1896-1980) expose Nu (Nude in a Studio), 1933, quatre ans plus tard à l’Art Gallery of Toronto (maintenant appelé le Musée des beaux-arts de l’Ontario), il est retiré parce qu’on juge qu’il représente une « vraie » femme nue plutôt qu’un sujet allégorique ou mythique, contrairement à la déesse sur le tableau La naissance de Vénus, 1482-1485, de Sandro Botticelli (1445-1510), par exemple. Il semble qu’au Canada à la fin des années 1920 et au début des années 1930, un nu féminin dans un paysage comme dans le tableau de Prudence Heward est acceptable (il semble justifié, ou à tout le moins compréhensible, aux yeux des spectateurs contemporains), tandis qu’une femme nue dans un atelier comme celle figurant dans le tableau de Torrance Newton ne l’est pas, parce que cette nudité leur semble gratuite et superflue.