Au théâtre 1928
Dans Au théâtre (At the Theatre), Prudence Heward représente des femmes dans un lieu public; elles ne sont pas accompagnées par des hommes, ce qui reflète leur indépendance croissante dans les années 1920. Nous voyons ici deux jeunes spectatrices de dos, assises côte à côte, qui attendent le début du spectacle. Le théâtre est souvent décrit comme un espace que les hommes et les femmes fréquentent pour voir et être vus, une dynamique appelée « complexe exhibitionnaire » par l’historien Tony Bennett. Cette scène croquée dans un lieu public évoque Dans la loge (In the Loge), 1879, de l’Américaine Mary Cassatt (1844-1926). Comme elle connaît la peinture de la fin du dix-neuvième siècle, Prudence Heward est probablement familière avec l’œuvre de Cassatt, et peut-être avec cette toile où une dame vêtue de noir regarde dans ses jumelles. Les historiens de l’art ont parlé de la subjectivité et de l’attitude de spectatrice du sujet féminin dans ce tableau, mais une telle interprétation est complexifiée par l’homme à l’arrière-plan qui semble observer la femme avec ses jumelles. Dans le même ordre d’idée, les femmes dans Au théâtre de Heward sont des observatrices actives, tout en étant la cible du regard de l’observateur qui a une vue imprenable de leur cou, de leur dos et de leurs bras dénudés.
Dans un article sur Heward paru en 1930 dans le Regina Leader, il est écrit que Au théâtre témoigne d’« un progrès considérable depuis le tableau primé de l’an dernier », soit Femme sur une colline (Girl on a Hill), 1928. Selon l’historienne de l’art Barbara Meadowcroft, les modèles qui posent pour Au théâtre sont Marion et Elizabeth Robertson, sœurs de l’artiste Sarah Robertson (1891-1948) qui fait partie du Groupe de Beaver Hall. Même si Prudence Heward n’en fait pas officiellement partie, elle est l’amie de plusieurs membres du Groupe et expose avec eux à l’occasion.
Avec Au café (At the Café), v. 1929, Prudence Heward explorera de nouveau le thème de l’indépendance de la femme dans l’espace public.