John, Dick et la Reine 1977
En juillet 1976, Molly Lamb Bobak reçoit une commande l’invitant à documenter la visite officielle de la reine Élizabeth II et du duc d’Édimbourg au Nouveau-Brunswick. Cette occasion alimente l’intérêt qu’elle porte à la représentation de gens en situation de groupe. Elle se rend dans des villes et villages de toute la province pour dessiner les foules exaltées réunies dans l’espoir d’entrevoir le couple royal.
Dans John, Dick et la Reine, Lamb Bobak se place, et par extension place le spectateur, de plain-pied avec les fêtards, partageant leur enthousiasme tandis qu’ils agitent leurs drapeaux. Elle se sert de la couleur pour souligner le rythme et l’émotion qu’elle ressent au milieu de cette foule joyeuse. La reine, vêtue de bleu, traverse le champ aux côtés du premier ministre Richard Hatfield et de John Saunders, un ami de Lamb Bobak qui travaille pour le ministère de la Culture. En privé, elle fera remarquer avec humour que le tableau devrait plutôt s’intituler « Les trois reines », sachant que les deux hommes étaient gais.
Lamb Bobak réussit à rendre l’exubérance de la foule ce jour-là et communique cet enthousiasme au spectateur. Ce dernier, comme l’artiste elle-même, se joint à son tour aux masses mouvantes et joyeuses :
Je n’ai jamais été aussi emballée que ce jour-là. Je pense que tout le monde à Fredericton ressentait la même chose (qu’ils soient monarchistes ou pas). J’étais galvanisée par la foule et par la ville joyeuse, les drapeaux. Je riais, je pleurais […] devant le pur plaisir de chacun — les danseurs, les cornemuseurs, tous les gens qui étaient là […] Où que je regarde, il y avait pour moi un sujet […] à peindre.
La perspective choisie par Lamb Bobak dans John, Dick et la Reine diffère de celle, plus distante, qu’elle privilégie d’ordinaire dans ses scènes de foule, ce qui modifie l’impression de mouvement au sein de l’image. Dans le tableau coloré et semi-abstrait November 11 (11 novembre), 1971, qui dépeint une foule venue assister aux événements du jour du Souvenir à Vancouver, elle place le spectateur au-dessus de la foule, lui offrant une vue en plongée sur les gens réunis pour la parade. Cette position lui permet de suivre la progression des marcheurs depuis l’arrière-plan, du côté gauche, jusqu’au premier plan, du côté droit. Le coup de pinceau large et les marques blanches sur la chaussée accentuent le mouvement perçu par le spectateur.