La danse v. 1923

Parmi ses tableaux les plus accomplis, La danse comprend cinq nus féminins stylisés, chacun dans une pose dynamique constituée de triangles colorés. L’œuvre atteste l’influence du synchromisme. Que Munn choisisse de reprendre des images classiques rendues célèbres par des maîtres européens, comme Edgar Degas (1834-1917) et Henri Matisse (1869-1954), démontre avec quelle confiance elle situe ses ambitions artistiques au sein du mouvement d’art moderne international. Fait intéressant, une reproduction de Danse (I), 1909, de Matisse était accrochée dans son atelier.

Cette œuvre révèle comment Munn raffine, dès le début des années 1920, ses expérimentations chromatiques pour parvenir à un rythme et une composition proches de la musicalité, un attribut très recherché par les praticiens de l’abstraction. Surtout, elle note dans son carnet vers cette époque que « la beauté usée est la beauté des simples apparences. La nouvelle beauté est la beauté des principes. Non plus l’aspect du monde, mais l’ordre du monde. » Ces idées nourrissent alors sa vision artistique et inspirent la profondeur de son travail abouti : l’investigation soutenue de la figure humaine idéalisée. C’est en effet la figure humaine que Munn choisit avant tout autre sujet pour sa quête de « beauté nouvelle ».

En 1923, Munn présente La danse à l’exposition annuelle de l’Académie royale des arts du Canada. La peinture tranche fortement sur les autres : le critique du Mail and Empire la qualifie d’« unique » et de « peinture futuriste avec un accent cubiste ». Si elle est remarquée et appréciée, La danse n’est pas pleinement comprise à l’époque. Selon le critique Newton MacTavish, « Mademoiselle Munn devrait être sur place pour expliquer ses théories de l’art, car elle en a sûrement. »

Munn intitulait et datait rarement ses œuvres. Toutefois, grâce à l’historique des expositions de ce tableau, les chercheurs l’ont datée, ainsi que d’autres peintures, et peuvent donc mieux comprendre l’évolution de Munn en tant qu’artiste.