Les beaux jours 1937
Jean Paul Lemieux peint Les beaux jours à Port-au-Persil, situé entre La Malbaie et Saint-Siméon, où il prend ses vacances à l’été 1937 avec sa jeune épouse, Madeleine Des Rosiers. Le couple sans argent loue une chambre mansardée d’une rustique maison canadienne dans ce hameau blotti au fond d’une anse, en face de laquelle le Saint-Laurent s’élargit de manière spectaculaire sur plus de vingt kilomètres. Le peintre rend bien la sensation de vertige qu’on éprouve à la vue de l’immensité bleue, depuis le sommet des caps de la région.
Il n’est pas rare, dans la peinture des années 1920 et 1930 au Québec, de mettre en scène la figure humaine et le paysage. Mais habituellement, les artistes présentent leur modèle en position frontale devant une portion de paysage, ce que font notamment Adrien Hébert (1890-1967), Edwin Holgate (1892-1977) et Lilias Torrance Newton (1896-1980).
Dans Les beaux jours, Lemieux réunit aussi les deux genres, le portrait et le paysage. Simultanément, il inaugure une des stratégies visuelles qui contribuera à singulariser son approche de la figuration dans la peinture moderne canadienne : choisissant un point de vue surélevé et en oblique, il réduit l’espace du tableau en rabattant le dernier plan, mettant ainsi à profit les recherches de Paul Cézanne (1839-1906) sur la perspective cavalière. Au premier plan, Madeleine est représentée de trois quarts de dos, regardant vers le fleuve. Sa position tisse de manière très serrée le rapport privilégié qui l’unit au paysage. Cette œuvre annonce deux des préoccupations fondamentales de Lemieux, l’espace et le temps.