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Les premières toiles d’Homer Watson mettent en valeur la qualité du dessin et le détail. De là, Watson adopte rapidement une approche modifiée qui s’appuie sur un riche travail au pinceau et des tonalités de plus en plus restreintes. Pour séduire le public, et surtout pour transmettre sa réaction profondément personnelle vis-à-vis de son sujet, il tente de mettre à jour son style — notamment son utilisation de la couleur — mais avec des résultats mitigés. Ce qui ne change pas, c’est sa détermination à transmettre le pouvoir et l’intensité de la nature, une approche née d’un profond respect pour le monde naturel et d’un désir de se mesurer à lui en art et d’en assurer la préservation.

 

 

Sujets et médias

Homer Watson, Landscape with Road (Paysage avec chemin), v.1889
Homer Watson, Landscape with Road (Paysage avec chemin), v.1889, eau-forte sur papier vélin, 9,6 x 14 cm, plaque: 6,5 x 10,1 cm, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa. 
Homer Watson, dessins de paysage et esquisse préliminaire d’un bâtiment, début des années 1880
Homer Watson, dessins de paysage et esquisse préliminaire d’un bâtiment, début des années 1880, plume et encre sur papier, 35,5 x 27,5 cm, carnet de croquis page 7875.92r, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa. 

Homer Watson était un artiste prolifique. La taille de ses centaines de peintures à l’huile varie de petite à très grande. Moonlit Stream (Ruisseau au clair de lune), 1933, par exemple, mesure environ 32 x 42 centimètres, alors que A Coming Storm in the Adirondacks (L’approche de l’orage dans les Adirondacks), 1879, mesure presque 86 x 119 centimètres, ce qui est comparable en taille aux autres grandes toiles des premières années de Watson en tant qu’artiste professionnel. Il a également rempli de multiples carnets de dessins et, en 1889-1890, il a réalisé des eaux-fortes de six sujets. Ses premières œuvres se composent en grande partie de dessins et de peintures narratifs romantiques, souvent sur des thèmes littéraires. Le plus connu et le plus accompli d’entre eux est The death of Elaine (La mort d’Élaine), 1877, basé sur le cycle de poèmes Idylls of the King d’Alfred, Lord Tennyson (publié en 1859-1885). Dès la mi-vingtaine, il se consacre presque exclusivement aux paysages. La grande majorité de ses compositions représentent des scènes dans et autour de sa ville natale de Doon, en Ontario, où il a passé toute sa vie, à l’exception d’un séjour prolongé et de six séjours plus courts en Grande-Bretagne et de brefs voyages dans diverses autres régions du Canada ainsi qu’aux États-Unis et en France.

 

Watson s’intéresse beaucoup au pouvoir et au drame de la nature. Cette fascination dérive probablement, au moins en partie, des gravures sur bois et des gravures dans les livres et périodiques illustrés, comme le journal américain The Aldine, que sa famille possédait lorsqu’il était enfant. Ces médias exploitent souvent les contrastes nets entre les zones sombres et claires de l’image, contrastes qui semblent se refléter dans la prédilection de Watson pour les formations nuageuses dramatiques associées au temps orageux. Les ciels turbulents, avec leurs contrastes de lumière et d’obscurité, apparaissent fréquemment dans les premières années de la carrière de Watson, dans ses carnets de croquis et dans des toiles telles que River Landscape (Paysage de rivière), 1882, Near the Close of a Stormy Day (Vers la fin d’un jour d’orage), 1884, The Flood Gate (Porte d’écluse), v.1900-1901, et The River Drivers (Les draveurs sur la rivière), 1914 et 1925.

 

Une page tirée de The Aldine
Une page tirée de The Aldine, vol. 6, no 5 (mai 1873). 
Homer Watson, Morning at Lakeview, Ontario (Le matin à Lakeview, Ontario), 1890
Homer Watson, Morning at Lakeview, Ontario (Le matin à Lakeview, Ontario), 1890, huile sur carton, 25,4 x 35,6 cm, Musée des beaux-arts de l’Ontario, Toronto. 

 

Mais surtout, l’attachement psychologique et émotionnel de Watson à la nature repose sur la relation harmonieuse entre les paysages et l’humanité. Morning at Lakeview, Ontario (Le matin à Lakeview, Ontario), 1890, avec ses trois minuscules personnages disposés dans un paysage protecteur plutôt que menaçant, est typique chez Watson du rapprochement entre le monde humain et le monde naturel. Il en va de même du bucolique Log-cutting in the Woods (Les scieurs de bois), 1894. « Nous ne pouvons penser à aucune forme de nature qui sera complète sans l’homme, écrit Watson, et il n’est pas non plus agréable de penser à l’homme en dehors de sa relation au sol. »

 

 

John Constable et la peinture de Barbizon

Homer Watson, In Valley Flats near Doon (Dans les plaines de la vallée près de Doon), v.1910
Homer Watson, In Valley Flats near Doon (Dans les plaines de la vallée près de Doon), v.1910, huile sur toile, 66 x 101,5 cm, Maison-musée Homer Watson, Kitchener. 
Homer Watson, Two Cows in a Stream (Deux vaches dans un ruisseau), v.1885
Homer Watson, Two Cows in a Stream (Deux vaches dans un ruisseau), v.1885, huile sur toile, 33,5 x 54 cm, Maison-musée Homer Watson, Kitchener.

Compte tenu de la préoccupation de Watson pour les paysages locaux et l’interaction homme-nature, il n’est pas surprenant que les artistes avec lesquels son travail est le plus souvent associé soient le peintre paysagiste anglais John Constable (1776-1837) et les paysagistes de Barbizon, en France, tels que Jean-François Millet (1814-1875), Charles-François Daubigny (1817-1878), Narcisse Díaz de la Peña (1807-1876), Théodore Rousseau (1812-1867), Constant Troyon (1810-1865) ou Jules Dupré (1811-1889). Dans la frise de 1893-1894 qu’il a peinte sur les murs de son atelier, Watson a inclus les noms et inventé des peintures de paysages de cinq de ces artistes : Constable, Millet, Daubigny, Díaz de la Peña et Rousseau.

 

Les affinités thématiques, formelles et psychologiques entre Watson, Constable et les artistes de Barbizon sont indéniables. Tous sont émotionnellement et psychologiquement dévoués aux paysages dont ils connaissent de près la topographie et les habitants, tel que l’on peut le voir, dans le cas de Watson, dans des images telles que Two Cows in a Stream (Deux vaches dans un ruisseau), v.1885 ; In Valley Flats near Doon (Dans les plaines de la vallée près de Doon), v.1910 ; et Porte d’écluse, v.1900-1901, parmi tant d’autres. Watson a soutenu à maintes reprises que le travail le plus riche et le plus significatif de tout peintre paysagiste se fait là où « chaque scène familière est bénie d’un éclat qui séduit d’une façon que les charmes d’une terre étrangère ne peuvent jamais égaler, et il le peint avec une âme. »

 

Cependant, lorsque les similitudes entre son art et celui de Constable et des artistes de Barbizon sont proposées pour la première fois (en 1882, notamment par Oscar Wilde), Watson n’a jamais vu d’œuvres originales de l’un ou l’autre de ces artistes. Tout en reconnaissant les points de comparaison, il s’efforce également de démontrer qu’il peint indépendamment des Européens, même si son œuvre semble suivre des lignes parallèles.

 

Homer Watson, The Stone Road (Le chemin de pierre), 1881
Homer Watson, The Stone Road (Le chemin de pierre), 1881, huile sur toile, 91,5 x 129,8 cm, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa.  
Homer Watson, A Grey Day at the Ford (Un jour gris au gué), 1885
Homer Watson, A Grey Day at the Ford (Un jour gris au gué), 1885, huile sur toile, 60 x 90 cm, collection du Hamilton Club. 

 

L’engagement de Watson et des artistes européens à l’égard des paysages ruraux, auxquels ils sont liés de manière personnelle, n’est qu’un de leurs points communs. Toute aussi importante est leur tentative mutuelle d’exprimer l’autorité de la nature non pas par des détails précis — comme Watson l’a fait dans ses premières peintures, influencé par la priorité accordée par la Hudson River School à la véracité optique (The Pioneer Mill (La vieille scierie), 1880, et The Stone Road (Le chemin de pierre), 1881, notamment) — mais par l’utilisation de larges effets picturaux dont le balayage et la puissance suggèrent des humeurs envahissantes qui transmettent la vitalité et le sens caché de la nature (comme dans Near the Close of a Stormy Day (Vers la fin d’un jour d’orage), 1884, et bien d’autres). Aux États-Unis, ce style atteint son apogée dans l’œuvre de George Inness (1825-1894), dont l’approche très personnelle et poétique de la peinture de paysage est sans aucun doute importante pour Watson. Bien que l’avant-plan d’une œuvre ancienne comme A Coming Storm in the Adirondacks (L’approche de l’orage dans les Adirondacks), 1879, s’appuie sur un dessin précis pour faire ressortir une multitude de détails dans les roches et les arbres, c’est le ciel — avec ses nuages largement brossés et sa tonalité généralement sombre — qui annonce les contours flous, les détails supprimés et l’atmosphère harmonieuse des toiles ultérieures comme Country Road, Stormy Day (Route de campagne, jour d’orage), v.1895, et le magistralement sombre Porte d’écluse, v.1900-1901. D’où la préférence de Watson pour les jours « gris », comme dans A Grey Day at the Ford (Un jour gris au gué), 1885, et pour les moments juste avant ou juste après un orage, quand (comme dans Before the Storm (Avant l’orage), 1887, ou After the Rain (Après la pluie), 1883), l’air a une présence physique qui unit divers détails en une harmonie chatoyante.

 

Homer Watson, Before the Storm (Avant l’orage), 1887
Homer Watson, Before the Storm (Avant l’orage), 1887, huile sur toile, 61,4 x 91,5 cm, Art Gallery of Windsor. 

 

Tous les grands artistes, déclare Watson, suivent une trajectoire similaire, commençant leur carrière en se concentrant sur l’analyse des détails mais progressant de là jusqu’à la dissipation des objets individuels par le rassemblement des formes et les effets de synthèse de la lumière, de la couleur et de l’atmosphère. Ainsi, selon l’évaluation de Watson, Constable atteint la maturité en adoptant (dans des tableaux comme The Hay Wain (La charrette de foin), 1821), des schémas de couleurs harmonieux qui traitent « les humeurs de la nature… d’une… manière générale ». De même, Jean-Baptiste-Camille Corot (1796-1875), l’un des artistes de Barbizon les plus admirés par Watson, avec une œuvre comme Le chêne dans la vallée, 1871, « n’insulte pas l’intelligence » des spectateurs

 

en les étourdissants de détails anodins… Il sentait[,] comme il s’attendait sans doute à ce que vous vous sentiez lorsque vous êtes enveloppé d’un sentiment ou d’un amour de la beauté de la nature à la fin de la journée, que dans le mystère de la lumière de cette heure-là vous êtes rempli d’une belle pensée de l’esprit de la scène, que vous avez implanté en vous alors une idée de la loi de l’harmonie générale de la nature.

 

John Constable, The Hay Wain (La charrette de foin), 1821
John Constable, The Hay Wain (La charrette de foin), 1821, huile sur toile, 130,2 x 185,4 cm, National Gallery, Londres.  
Jean-Baptiste-Camille Corot, Le chêne dans la vallée, 1871
Jean-Baptiste-Camille Corot, Le chêne dans la vallée, 1871, huile sur toile, 39,8 x 52,8 cm, National Gallery, Londres. 

 

Le critique britannique R. A. M. Stevenson est l’un des nombreux spectateurs qui identifient l’engagement envers des effets picturaux larges et évocateurs comme un point de contact crucial entre Watson et les artistes de Barbizon. En même temps, il commente les approches parfois « rudimentaires » et « incultes » de l’artiste canadien en matière de création d’images. Ce n’est pas entièrement une critique. Stevenson attribue en partie le caractère « rudimentaire » de Watson à un manque d’expérience. Mais il suggère également que la force expressive parfois manquant de sophistication de Watson, en grande partie autodidacte, qui se traduit parfois par des anomalies occasionnelles dans la représentation d’objets individuels, ouvre la porte à la création d’effets harmonieux — quelque chose que Stevenson considère comme étant le point fort de Watson.

 

Ainsi, le travail au pinceau lâche et les formes largement délimitées dans des toiles telles que Les scieurs de bois, 1894, et surtout Porte d’écluse, v.1900-1901, permettent à Watson de transmettre un sens satisfaisant de la cohérence interne, de la poésie et de l’harmonie de la nature à la manière de Barbizon. Ce sont des qualités voulues par l’artiste et admirées par Stevenson, qui sont tous deux sceptiques à l’égard des peintures de paysages qui semblent bricolées à partir d’éléments disparates assemblés à l’improviste et alourdis de détails inutiles.  De même, en 1896, l’artiste et critique canadienne Harriet Ford (1859-1938) fait l’éloge du « désir de Watson d’exprimer avec ampleur les grandes choses de la nature, le mystère et le charme, la dignité des choses qui  palpitent près de la vie ».

 

Homer Watson, Cattle Fording River in Moonlight (Troupeau traversant à gué la rivière au clair de lune), 1898, huile sur panneau, 86,4 x 122,4 cm, collection privée.
Homer Watson, Sheep and Shepherd (Moutons et berger), v.1900, huile sur toile, 55,9 x 76,8 cm, collection privée.

 

 

Application de la peinture et tonalité

Watson emploie deux moyens pour obtenir des effets amples : la lourdeur de l’application de la peinture et la sobriété des tonalités. Le premier, sa manière de peindre, commence à changer au début des années 1880. Auparavant, dans des toiles comme The Castellated Cliff (La falaise crénelée) et A Coming Storm in the Adirondacks (L’approche de l’orage dans les Adirondacks), toutes deux datant de 1879, il utilise le pinceau comme s’il s’agissait d’un crayon : un outil de dessin. Au début des années 1880, cependant, il produit des toiles comme After the Rain (Après la pluie), 1883, dont le dessin est beaucoup moins évident dans les formes et les détails. Cette tendance s’intensifie au moment de sa première visite en Europe, de 1887 à 1890. Elle s’accroît davantage pendant une bonne partie du demi-siècle qui lui reste à travailler, et elle atteint certains de ses énoncés les plus forts dans des toiles lourdes d’empâtements comme Porte d’écluse, v.1900-1901.

 

Homer Watson, The Castellated Cliff (La falaise crénelée), 1879
Homer Watson, The Castellated Cliff (La falaise crénelée), 1879, huile sur toile, 87,6 x 126,2 cm, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa. 
Homer Watson, After the Rain (Après la pluie), 1883
Homer Watson, After the Rain (Après la pluie), 1883, huile sur toile, 81,3 x 125,1 cm, Galerie d’art Beaverbrook, Fredericton. 

 

Sentant qu’il est mieux outillé par son tempérament et son histoire personnelle pour peindre des paysages canadiens plutôt que britanniques, Watson soutient que la nature au Canada se compose de « grandes forces » qui exigent une application de peinture solide afin de révéler leur « vérité fondamentale ». Par exemple, dans The Hillside Gorge (Gorge sur le versant de la colline), 1889, il travaille le pinceau pour une application de la matière en larges traits qui donnent l’impression d’un vent vivifiant. Plus tard, avec The River Drivers (Les draveurs sur la rivière), 1914 et 1925, il combine un paysage austère avec un ciel qui explose de lumière et de mouvement.

 

Conjointement avec son application de peinture de plus en plus riche, Watson limite sa palette à une tonalité généralement restreinte et froide avec quelques points saillants atténués, un développement qui a commencé lors de sa première visite en Grande-Bretagne et qui a conduit à des toiles telles que Country Road, Stormy Day (Route de campagne, jour d’orage), v.1895. Le marchand d’art torontois John Payne, par exemple, écrit en 1888 qu’il admire les toiles britanniques de Watson, qu’il surnomme « les browneys ».  « Un des vices du coloris canadien, selon un observateur de 1887, c’est sa chaleur, pour ne pas dire son exubérance, et le travail de M. Watson est une protestation contre ce défaut ».  Vingt-six ans plus tard, en 1913, un critique de journal décrit avec précision les couleurs préférées de Watson — qu’on peut observer, notamment, dans Below the Mill (En bas du moulin), 1901 — comme « des bruns et des ocres riches et profonds équilibrés avec des touches de verts vifs et de rouges ternes ».

 

Homer Watson, Country Road, Stormy Day (Route de campagne, jour d’orage), v.1895
Homer Watson, Country Road, Stormy Day (Route de campagne, jour d’orage), 1895 ou 1900, huile sur panneau, 60 x 75 cm, collection de Beverly et Fred Schaeffer. 
Homer Watson, Below the Mill (En bas du moulin), 1901
Homer Watson, Below the Mill (En bas du moulin), 1901, huile sur toile, 79,4 x 129,5 cm, Musée des beaux-arts de Montréal.  

 

À son meilleur, comme dans Summer Storm (Orage d’été), v.1890, Watson utilise la tonalité comme un outil pour la création d’un sens puissant du lieu, de l’atmosphère et du tempérament. Comme ses choix de couleurs deviennent plus restreints cependant, certains commentateurs se plaignent qu’il devient monochromatique mais sans soulever une énergie aussi puissante que dans River Landscape (Paysage de rivière), 1882, par exemple, ou Near the Close of a Stormy Day (Vers la fin d’un jour d’orage), 1884, ou encore Country Road, Stormy Day (Route de campagne, jour d’orage), v.1895. Dès le milieu des années 1890, on lui reproche à l’occasion ce que l’artiste académique traditionnel Wyly Grier (1862-1957) décrit comme une préoccupation pour le style et la technique comme une fin en soi.  En 1904, un critique montréalais proteste contre le fait que « le ton de certains des tableaux de Watson rappelle étrangement certaines vieilles gravures en manière noire », et que cela, combiné avec « l’abondance de pigment et de vernis », donne lieu à un « style désespérément artificiel ».  Quatre ans plus tôt, un autre critique a loué la « force et l’individualité » qui font de Watson « sans aucun doute l’un des meilleurs paysagistes que nous ayons ». Cet écrivain craint néanmoins que l’œuvre ne devienne « trop lourde, lugubre et pigmentaire, et que le fait de voir trop de ses toiles à la fois donne l’impression d’être dépri ».

 

Homer Watson, The Load of Grass (Le chargement d’herbe), 1898
Homer Watson, The Load of Grass (Le chargement d’herbe), 1898, huile sur panneau, 76,2 x 56 cm, Vancouver Art Gallery.
Homer Watson, Summer Storm (Orage d’été), v.1890
Homer Watson, Summer Storm (Orage d’été), v.1890, huile sur panneau, 33 x 45 cm, Maison-musée Homer Watson. 

 

L’artiste, cependant, est aussi impénitent au sujet de sa palette de couleurs sombres et restreintes qu’il ne l’est au sujet de son application d’une peinture généreuse et lourde. Pour Watson, des toiles comme The Load of Grass (Le chargement d’herbe), 1898, entre autres, n’ont rien à voir avec le sentiment d’oppression qu’un nombre croissant de critiques relèvent. Au lieu de cela, il se dit préoccupé par le fait que les impressionnistes se soient entichés de couleurs pures et hautement saturées, et il soutient que leurs peintures sont des exercices pour résoudre des problèmes techniques plutôt que des véhicules pour transmettre la magnificence de la nature elle-même.  Au fur et à mesure que les tonalités de Watson deviennent plus sombres, la force de l’éclairage devient une modalité importante lorsque vient le moment d’exposer ses toiles. L’exemple le plus frustrant illustrant cette situation a eu lieu au début du vingtième siècle, lorsque Porte d’écluse, v.1900-1901, lui est rendue parce que l’éclairage dans la maison du premier acheteur, ainsi que dans un autre endroit où le tableau a été prêté, était trop faible pour apprécier une toile aussi sombre.

 

 

Peintures d’après 1920

Peu après la fin de la Première Guerre mondiale, Watson commence à expérimenter avec des couleurs souvent plus vives et plus diversifiées que celles qu’il a généralement favorisées au cours des deux décennies précédentes. Par exemple, Emerald Lake, Banff (Lac Emerald, Banff), peinte après 1920, établit un contraste saisissant entre la lumière et l’obscurité. Dans des œuvres comme celle-ci, Watson accorde peut-être plus d’attention aux palettes chromatiques de l’impressionnisme, bien qu’il y ait peu de choses dans ses écrits pour confirmer qu’il comprenne la démarche ou s’engage de manière significative envers les impressionnistes ou, en fait, envers d’autres modernistes, dont presque tous préfèrent des couleurs plus vives et plus pures que celles qu’il utilise. La palette de Moonlight, Waning Winter (Clair de lune, déclin de l’hiver), 1924, se compose en grande partie de variations de blanc, ainsi que de rose clair et de pourpre. Le violet devient également plus envahissant dans les représentations des nuages et du ciel de Watson au cours de ces années. D’autres peintures mettent en vedette un riche feuillage présenté dans des tons relativement boueux d’orange ou de rouge rouille — par exemple, dans The Valley of the Ridge (La vallée de la crête), 1922.

 

Homer Watson, Emerald Lake, Banff (Lac Emerald, Banff), v.1925
Homer Watson, Emerald Lake, Banff (Lac Emerald, Banff), v.1925, huile sur panneau, 73,5 x 85 cm, Maison-musée Homer Watson, Kitchener.
Homer Watson, The Valley of the Ridge (La vallée de la crête), 1922
Homer Watson, The Valley of the Ridge (La vallée de la crête), 1922, huile sur masonite, 135,9 x 201,8 cm, Kitchener-Waterloo Art Gallery. 

 

En plus de l’utilisation de couleurs nouvelles et souvent non naturelles, les peintures tardives de Watson lui ouvrent de nouvelles possibilités formelles grâce à leur objectif relativement précis. Au cours des années 1880 et 1890 notamment, mais aussi au cours des deux premières décennies du vingtième siècle, les peintures les plus ambitieuses de Watson sont des constructions en atelier : des panoramas étendus qu’il construit en modifiant et en combinant des dessins en plein air de motifs individuels. Après le début des années 1920, cependant, ce sont les panoramas rapprochés du paysage, plutôt que les scènes composites plus larges de ses premières années, qui dominent son œuvre.

 

Homer Watson, Storm Drift (Orage à la dérive), 1934
Homer Watson, Storm Drift (Orage à la dérive), 1934, huile sur carton, 86,5 x 121,8 cm, Kitchener-Waterloo Art Gallery. 

C’est en partie la santé déclinante de l’artiste qui le le décourage d’entreprendre de grandes toiles complexes. Un deuxième facteur, cependant est son acquisition d’une automobile en 1923. Cet achat permet à Watson de faire des voyages de peinture qui, autrement, auraient été trop exigeants physiquement. Libéré de la nécessité de minimiser la quantité et le poids de son équipement, Watson peut désormais peindre directement sur des supports de panneaux robustes en présence immédiate de ses sujets en plein air. Souvent il ne repeint pas les panoramas qui est résultent sur une toile, ni ne les retravaille une fois de retour en atelier. Cela semble être le cas, notamment, de Storm Drift (Orage à la dérive), 1934, qu’il peint directement sur le panneau sans le transférer plus tard sur une toile. Les tableaux de Watson de ces années sont donc en général réalisés plus rapidement que par le passé, et la relation entre les images finies et les scènes naturelles qui les ont inspirées est devenue plus simple et directe. Dans de nombreux cas également, la peinture est appliquée avec un regain de vivacité, de texture et d’énergie.

 

La volonté de Watson, tout au long de sa carrière, de transmettre l’immédiateté et la puissance de la nature demeure ainsi inchangée durant ses dernières années. L’empâtement épais et le coup de pinceau dynamique de ses tableaux tardifs  — Ruisseau au clair de lune, 1933, et High Water, Pine Bend (Pin au coude de la rivière), v.1935, par exemple — perpétuent son désir de toujours rechercher les forces motrices du monde naturel. Ce qui est primordial, au cours des années 1920 et 1930, c’est la mesure dans laquelle ces forces sont impliquées dans l’immédiateté et la violence gestuelle des huiles telles que Speed River Flats Near Preston (Plaines près de la rivière Speed dans les environs de Preston), v.1930. Ces œuvres tardives imitent en effet, dans leur aspect physique brut, les forces et la grandeur de la nature en lesquelles Watson a toujours cru.

 

Homer Watson, High Water, Pine Bend (Pin au coude de la rivière), v.1935
Homer Watson, High Water, Pine Bend (Pin au coude de la rivière), v.1935, huile sur panneau, 86 x 121 cm, Kitchener-Waterloo Art Gallery. 
Homer Watson, Speed River Flats Near Preston (Plaines près de la rivière Speed dans les environs de Preston), v.1930
Homer Watson, Speed River Flats Near Preston (Plaines près de la rivière Speed dans les environs de Preston), v.1930, huile sur panneau, 30 x 40 cm, Maison-musée Homer Watson, Kitchener. 

 

 

 

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