Homer Ransford Watson (1855-1936) est décrit comme un artiste qui, au dix-neuvième siècle, a d’abord incarné une peinture de paysage spécifiquement canadienne, plutôt qu’il ne l’a envisagée comme un pastiche des influences européennes. Bien qu’il n’ait pratiquement aucune formation officielle, Watson était au milieu de la vingtaine bien connu et admiré par les collectionneurs et les critiques canadiens, ses peintures de paysages ruraux faisant de lui une des figures centrales de l’art canadien des années 1880 jusqu’à la Première Guerre mondiale. Ses peintures documentent le rôle central des pionniers, et de leur héritage, dans l’identité historique de l’Ontario et soulignent de façon cruciale l’importance des approches environnementales dans la représentation du paysage canadien.
Premières années et débuts artistiques
Watson est né le 14 janvier 1855 à Doon, aujourd’hui une banlieue de Kitchener, mais qui était à l’époque un village distinct sur la rivière Grand, dans le comté de Waterloo, dans le sud de l’Ontario. Fondée vingt et un ans avant sa naissance, Doon comptait une population de 150 habitants lorsque Watson était au milieu de son adolescence. Deuxième des cinq enfants de Ransford et Susan Mohr Watson, Homer était lié par sa mère aux colons mennonites allemands arrivés dans la région au début du dix-neuvième siècle. Son grand-père paternel avait émigré de l’État de New York peu de temps après. Tout au long de sa vie, Watson est demeuré conscient d’être un descendant de pionniers.
Lorsque le père de Watson meurt en 1861, il laisse une veuve et quatre (bientôt cinq) jeunes enfants, dont Homer, âgé de six ans. La courte tentative d’un oncle pour entretenir les scieries et les manufactures de laine familiales est vaine et le ménage est forcé de compter en grande partie sur le travail de couturière de Susan Watson. En 1867, le frère aîné d’Homer, Jude, est tué alors qu’il travaille dans une briqueterie locale — un accident dont Homer, âgé de douze ans, est témoin. On croit généralement que Watson a abandonné son éducation formelle à cette époque, bien que ce ne soit pas certain. Pris ensemble, les décès de Ransford en 1861 et de Jude en 1867 ont accéléré la transition d’Homer vers une maturité précoce.
Des cadeaux offerts par des membres de sa famille, dont un ensemble d’aquarelle pour ses onze ans et un ensemble de peinture à l’huile quatre ans plus tard, ont stimulé l’intérêt de Watson pour le dessin. De plus, William Biggs, instituteur au village voisin de Breslau et aquarelliste amateur, a « apporté à Watson toute l’aide qu’il a pu », selon le premier biographe de l’artiste. Autrement, les leçons d’enfance les plus formatrices de Watson ont consisté à imiter les eaux-fortes et gravures sur bois illustrant les journaux de la bibliothèque familiale, notamment des périodiques tels que Penny Magazine (Londres) et probablement The Aldine (New York) ainsi qu’au moins un livre illustré par l’artiste Gustave Doré (1832-1883).
Les premières œuvres satisfaisantes de Watson comprennent des dessins basés sur des romans et des poèmes de Charles Dickens (Quilp and Sampson Brass in the Old Curiosity Shop [Quilp et Sampson Brass dans le magasin d’antiquités], fin des années 1860, début des années 1870), de Lord Byron, et d’autres, ainsi que quelques portraits et peintures de figures comme The Swollen Creek (Le ruisseau en crue), vers 1870. Dès la fin de son adolescence, cependant, il a pratiquement abandonné ces sujets, et il soumet avec succès des œuvres d’art à des foires locales avant de visiter Toronto pour la première fois en 1872. Il y rencontre et est encouragé par le peintre paysagiste Thomas Mower Martin (1838-1934). Deux ans plus tard, il reçoit une avance sur son héritage et l’utilise pour retourner à Toronto pendant plusieurs mois, copiant des tableaux à l’École normale de la ville (une institution qui forme des diplômés du secondaire à devenir enseignants) et occupant un espace de travail au studio photographique Notman-Fraser. Là-bas, il semble avoir attiré l’attention de Lucius O’Brien (1832-1899), vice-président de la toute nouvelle Société des artistes de l’Ontario et l’un des peintres paysagistes les plus éminents du Canada.
Voyage à New York et les débuts de la reconnaissance
Encouragé, Watson séjourne dans l’État de New York de 1875 (peut-être 1876) jusqu’à la fin de 1877. On ne sait presque rien de son temps là-bas, sauf qu’il a travaillé dans les Adirondacks et le long des rivières Susquehanna, Mohawk et Hudson (voir, par exemple, Susquehanna Valley, v.1877), et qu’un peintre anonyme lui a enseigné quelques notions. Diverses sources ont identifié ce peintre comme étant George Inness (1825-1894), l’un des artistes paysagistes américains les plus ambitieux, influents et connus de la seconde moitié du dix-neuvième siècle, bien que Watson ait déclaré plus tard dans sa vie qu’ils ne sont jamais rencontrés. Cependant, le travail de Watson laisse entendre qu’il a probablement vu des toiles d’Inness et d’artistes de la Hudson River School, d’autant plus que son itinéraire couvrait un territoire étroitement associé à ce groupe.
Le penchant de Watson pour les effets atmosphériques vifs, ainsi que sa prédilection pour l’expérience viscérale d’être immergé dans le paysage rappellent la richesse luxuriante des œuvres d’Inness et de la Hudson River School. On the Mohawk River (Sur la rivière Mohawk), 1878, par exemple, atteint ces objectifs par la création d’une atmosphère palpable, dans une composition évocatrice qui passe d’un avant-plan relativement sombre et détaillé à une impression d’espace et de fraîcheur dégagée par une falaise de montagne lointaine. Son séjour aux États-Unis a clairement aidé Watson à développer ses capacités de peintre paysagiste, mais il rêve au paysage du sud de l’Ontario où il a grandi et qui allait demeurer la pierre de touche de son art tout au long de sa carrière. Après de nombreux mois à New York, il retourne à son Doon bien-aimé pour peindre « avec foi, ignorance et joie. »
Watson se fait rapidement une réputation. Il est élu dessinateur adjoint et membre concepteur à la Ontario Society of Artists (OSA) en avril 1878 et expose pour la première fois avec la Société le mois suivant. Le Toronto Evening Telegram fait l’éloge de ses peintures pour « le naturel des détails, la finition soignée et la douceur de l’harmonie des couleurs. » Watson change son statut de membre à l’OSA de dessinateur/designer à peintre peu de temps après son élection, et il contribue aux expositions de la Société en décembre 1878 et mai 1879. La réaction de la presse à l’égard du nouveau venu est à nouveau favorable, lorsque le Globe de Toronto fait remarquer qu’il « grimpe rapidement dans l’estime du public et de ses collègues artistes. » C’est un début prometteur, d’autant plus que certaines des toiles qu’il expose font plus d’un mètre carré : une taille impressionnante pour un novice sans formation officielle.
Bien que les premières apparitions de Watson à l’OSA soient remarquables, l’un des moments décisifs de sa carrière survient à Ottawa en 1880, lors de l’exposition inaugurale de l’Académie des arts du Canada (renommée peu après l’Académie royale des arts du Canada, ou ARC). L’œuvre exposée par Watson, The Pioneer Mill (La vieille scierie), 1880, est achetée pour 300 $ par le marquis de Lorne, gouverneur général du Canada, comme cadeau pour sa belle-mère, la reine Victoria. L’achat a consacré la réputation de Watson, ce qui a ensuite facilité son élection comme membre associé de l’Académie en 1880 et sa promotion comme académicien à part entière en avril 1882. Deux mois seulement après l’achat de Lorne, le gouvernement de l’Ontario acquiert On the Susquehanna (Sur la Susquehanna) de Watson, dont la date et l’emplacement sont aujourd’hui inconnus. La carrière de l’artiste était alors solidement lancée.
La création de l’Académie des arts du Canada en 1880 et l’impact considérable qu’a sur le lancement de la carrière de Watson l’acquisition par le gouverneur général de La vieille scierie, témoignent de la nature profondément britannique de la vie culturelle au Canada, en particulier au Canada anglais, au cours des décennies qui ont précédé la Première Guerre mondiale. Le peu de formation artistique existante (par le biais de l’Académie, de la Ontario Society of Artists et de la Art Association of Montreal) reflète les techniques académiques européennes traditionnelles, tout comme la structure et les objectifs de l’Académie canadienne se rapprochent en grande partie de ceux de la Royal Academy of Arts britanique. À la fin du dix-neuvième siècle, on assiste à l’émergence d’un débat sur des thèmes typiquement canadiens en art, mais les infrastructures culturelles qui se sont développées parallèlement à l’économie croissante du pays ont tendance à s’ancrer dans des prototypes européens conservateurs — d’où la grande importance, pour la carrière de Watson, de l’achat par le gouverneur général de La vieille scierie lors de l’exposition de l’Académie canadienne de 1880.
Soutenu artistiquement, financièrement et socialement par les largesses de Lorne, Watson a pu épouser sa fiancée de longue date, Roxanna (« Roxa » ou « Roxy ») Bechtel, le 1er janvier 1881. Leur unique enfant, un fils, meurt à la naissance en 1882, mais vingt-cinq ans plus tard, en 1907, ils adoptent une orpheline prénommée Mary. Le jeune couple vit quelques mois avec la mère de Watson et sa sœur, Phoebe, avant de s’installer dans la partie supérieure d’une maison construite par Adam Ferrie, l’un des fondateurs de Doon les plus importants — et les plus prospères. Watson est en mesure d’acheter la maison entière l’année suivante et, à l’exception de voyages occasionnels à l’étranger, il y vivra pour le reste de sa longue vie. (Le bâtiment est devenu plus tard le siège de l’École des beaux-arts de Doon, 1948-1966, et existe aujourd’hui en tant que musée : Homer Watson House and Gallery – la Maison-musée Homer Watson). Les fonds pour l’achat de la maison proviennent de deux autres ventes au marquis de Lorne : de grands paysages présentés lors de la deuxième exposition de l’ARC (1881). Lorne offre un tableau, The Last of the Drouth [The Last Day of the Drought] (La fin de la sécheresse [Le dernier jour de sécheresse]), 1881, à la reine Victoria encore une fois, et conserve l’autre, April Day (Jour d’avril), v.1881, pour lui-même. Watson reste ami avec Lorne pendant de nombreuses années. La publicité qu’il obtient grâce à ce mécénat vice-royal est fondamental pour sa réputation, sa carrière durant.
Oscar Wilde et « le Constable canadien »
Une autre personnalité publique a un impact majeur sur la carrière d’Homer Watson : Oscar Wilde (1854-1900). Au début de 1882, Wilde est âgé de 27 ans (il est né trois mois avant Watson) et il entreprend ce qui devient une tournée de conférences d’un an aux États-Unis et au Canada. Il prend la parole devant divers auditoires sur les thèmes de l’esthétisme et de l’importance de la beauté dans la vie quotidienne. Wilde n’a pas encore établi sa réputation d’auteur, et ses manières et ses vêtements exotiques le tournent en ridicule, mais la tournée est un succès commercial. Lorsqu’il arrive à Toronto au printemps 1885, il est déjà une célébrité.
Wilde fait plus que des conférences; il fait également la promotion d’artistes et d’écrivains nord-américains auxquels il a commencé à s’intéresser pendant sa tournée. Le 25 mai, alors qu’il regarde l’exposition annuelle de la Ontario Society of Artists, il est frappé par la peinture de Watson, Flitting Shadows (Ombres flottantes), v.1881-1882. (Il n’existe plus de description de Ombres flottantes, mais l’œuvre correspond probablement à On the River at Doon (Sur la rivière à Doon), 1885, dans le thème, l’atmosphère et le ton.) Établissant des parallèles avec les paysagistes européens, Wilde, debout devant le tableau alors qu’il s’adresse aux journalistes, décrit Watson comme « le Constable canadien » en référence au peintre anglais John Constable (1776-1837), dont les paysages sont parents de ceux de Watson. Wilde répète ses louanges lors d’une conférence au Grand Opera House de Toronto ce soir-là. Pour le reste de sa carrière, Watson porte l’épithète Constable, en plus de la boutade de Wilde selon laquelle il est « Barbizon sans avoir jamais vu Barbizon », en référence aux artistes français qui ont travaillé au village de Barbizon (Fontainebleau) et dans la région environnante, au milieu du dix-neuvième siècle. Constable et les peintres de Barbizon sont très populaires auprès du public nord-américain et européen, et les remarques de Wilde donnent un nouvel élan à la carrière de Watson. Les deux hommes ne se rencontrent toutefois pas avant le premier séjour de Watson en Grande-Bretagne quelques années plus tard. Entre-temps, sous l’impulsion de son admiration pour Ombres flottantes, Wilde demande à Watson de réaliser des tableaux pour lui-même et pour deux connaissances américaines.
Les comparaisons de Wilde irritent souvent Watson plus tard dans sa vie, parce que, comme il l’affirme maintes fois, ce n’est que lors de son premier voyage en Europe, à la fin des années 1880, qu’il voit enfin des tableaux de Constable et des artistes de Barbizon. Il y a cependant du bon sens dans les remarques de Wilde. En fait, même avant sa visite à l’exposition de l’OSA, le Toronto Mail écrit à propos de Ombres flottantes que l’œuvre rappelle les paysages de Constable.
Europe, 1887-1890
En 1886, cinq tableaux de Watson sont inclus dans la Colonial and Indian Exhibition, une importante exposition tenue à Londres, présentant une vaste gamme d’objets des quatre coins de l’Empire britannique. L’exposition comprend un tableau de Watson prêté par le marquis de Lorne, River Torrent (Rivière tumultueuse), réalisé au début des années 1880, et A Coming Storm in the Adirondacks (L’approche de l’orage dans les Adirondacks), 1879, appartenant au banquier montréalais George Hague. Watson remporte une médaille de bronze à l’événement qui constitue sa première participation à une exposition à l’extérieur du Canada. Cette reconnaissance précipite peut-être sa décision de se rendre en Grande-Bretagne à l’été 1887.
Watson et Roxa prévoient à l’origine d’y rester pendant environ un an, mais ils retardent leur retour pour donner à Watson le temps de consolider sa réputation européenne. Le marchand d’art torontois John Payne l’incite à ne pas rentrer au Canada avant d’être connu à l’étranger parce que, selon lui, les acheteurs nord-américains ne s’intéressent qu’aux artistes qui ont une réputation en Europe. Les Watson suivent les conseils de Payne et restent en Grande-Bretagne pendant trois ans, jusqu’à l’été 1890, bien que leurs premiers mois là-bas aient été décourageants. « Je ne sais pas si cela m’a fait du bien, écrit plus tard Watson, mais j’ai fait un festin d’études des grands maîtres qui m’a, pour ainsi dire, assommé… et montré que je ne savais rien. Tant que ce sentiment a duré, j’ai été incapable de bien travailler. »
La frustration de Watson est exacerbée par la difficulté à se faire une place dans les galeries et les expositions britanniques. En quête de succès, Homer s’installe avec Roxa chez des parents à Maidenhead. De là, ils déménagent à Londres, une ville que Roxa, bien qu’elle admette que son mari « en retire un certain bien », trouve « abominable, si sale et brumeuse que cela transparaît dans le travail de Homer. » À partir de l’automne 1889, afin de trouver un équilibre entre les prix abordables, la familiarité de la vie rurale (toujours importante pour Watson) et l’accès à l’art et aux expositions, le couple se rend en Écosse et s’installe sur la côte sud-est, dans le village de Pittenweem. Là, ils se lient d’amitié avec le peintre James Kerr-Lawson (1862-1939), qu’ils avaient rencontré pour la première fois au Canada, et avec Caterina Muir (1860-1952), dont la famille était amie avec Kerr-Lawson. Les Watson ont également profité de leur séjour au Royaume-Uni pour faire deux courts voyages à Paris.
Après des débuts incertains en Grande-Bretagne, les perspectives de Watson commencent à s’améliorer. Il rencontre finalement Wilde et, plus important encore, se lie d’amitié avec un certain nombre d’artistes, dont James McNeill Whistler (1834-1903), E. J. Gregory (1850-1909) et George Clausen (1852-1944). Quarante ans plus tard, lorsque la Galerie nationale du Canada (aujourd’hui Musée des beaux-arts du Canada) à Ottawa lui demande de décrire sa formation, Watson répond qu’il est « autodidacte, et a été associé pendant quelques mois à Clausen & Gregory en Angleterre. » Clausen, dont Watson admirait l’art et la personnalité, était un peintre de la vie rurale et de paysages particulièrement réputé (voir, par exemple, Winter Work (Travail hivernal), 1883-1884).
Clausen est également suffisamment impressionné par les dessins en noir et blanc de Watson pour le convaincre d’essayer de traduire son talent de dessinateur en estampe. Il exécute des gravures de La vieille scierie, 1880, et cinq paysages plus petits, les seules œuvres gravées que Watson n’ait jamais faites. La vieille scierie telle qu’imprimée par Watson existe dans trois états (versions), le troisième étant apparemment reproduit en un tirage de cinquante exemplaires. Même avec ce petit nombre cependant, les ventes à Toronto sont décevantes, et il n’y a aucune trace d’exemplaires envoyés à Montréal ou ailleurs, pour la vente. Les raisons de cet échec sont multiples, notamment la disponibilité concurrentielle de gravures bon marché importées de l’étranger, l’inexpérience de John Payne en tant que marchand de gravures et le manque d’intérêt général du Canada dans le soutien du renouveau international de l’eau-forte.
Au printemps 1889, les portes s’ouvrent finalement pour Watson en Grande-Bretagne, un an avant qu’il ne réalise les gravures de La vieille scierie. Cette année-là, il est admis à deux importantes expositions annuelles d’été. En mars, The Mill in the Ravine (Le moulin du ravin), 1889, est accepté à la New Gallery de Londres, récemment créée et résolument haut de gamme. Roxa, pleine d’un mépris tout démocratique, décrit la New Gallery comme ayant une clientèle de « seigneurs, ducs, duchesses, comtesses et tous les autres gens huppés qui pourrissent ce pays. » Le moulin du ravin (dont l’emplacement est inconnu, mais qui présente des similitudes avec A Hillside Gorge (Gorge sur la versant de la colline), 1889), est acheté par Alexander Young, un grand collectionneur d’œuvres de Barbizon, le jour de sa visite privée de la galerie. Ainsi commence la relation durable entre Watson et la New Gallery où il expose de nouveau en 1890, 1895, 1897 et 1901.
Dans l’intervalle, au printemps 1889, l’œuvre The Village by the Sea (Village en bord de mer), 1887-1889, de Watson est approuvée par le jury de l’exposition d’été de la Royal Academy of Arts londonienne. Roxa avait eu des doutes. « Il y a généralement environ sept mille œuvres soumises », écrit-elle à la sœur et à la mère de son mari, « et seulement deux mille sont exposées. » Elle sous-estime également les chances de son mari parce qu’elle craint que ses efforts pour incorporer de nouveaux éléments dans son travail aient « conduit ses explorations à des extrêmes, comme vous savez qu’il est susceptible de le faire lorsqu’il a une nouvelle idée. » Le tableau est non seulement accepté pour l’exposition, mais bénéficie également d’une bonne position sur le mur, densément couvert d’œuvres du sol au plafond.
En 1890, nostalgique de paysages plus familiers, Watson est prêt à retourner à Doon. « Tout l’Ancien Monde est imprégné d’art, écrit-il. Il n’y a aucune possibilité de faire quoi que ce soit de nouveau. . . J’en suis arrivé à la conclusion que je préfère peindre chez moi. »
Succès commercial
Il est impossible de confirmer les affirmations des biographes sur le nombre et les dates des expositions de Watson au cours de ses sept voyages en Grande-Bretagne en 1887-1890, 1891, 1897, 1898-1899, 1901, 1902 et 1912. Cependant, il reste suffisamment d’information pour confirmer sa participation aux événements organisés par le New English Art Club (l’entrée de Watson semble avoir été rendue possible grâce à Oscar Wilde), le Royal Glasgow Institute of the Fine Arts, la Royal Society of British Artists, le Royal Institute of Oil Painters, l’International Society of Sculptors, Painters and Gravers, de même qu’à divers autres groupes et événements à Londres, Glasgow, Edimbourg, Bristol, Liverpool et ailleurs. Grâce à l’intercession du marquis de Lorne, des œuvres de Watson ont également été exposées à la prestigieuse Goupil Gallery de Londres en 1888, une relation qui s’est poursuivie jusqu’au vingtième siècle. Il a en outre tenu une exposition solo de trente tableaux à la Dowdeswell Gallery de Londres en 1899, organisée, semble-t-il, à la demande du critique britannique David Croal Thomson et du Montréalais James Ross, le mécène canadien le plus favorable à Watson. Enfin, en 1901, l’artiste prend des dispositions pour que E. J. van Wisselingh de la Dutch Gallery s’occupe de son travail à Londres, bien que l’on ne sache pas exactement combien de temps cette relation a duré.
La compatibilité entre les deux hommes est naturelle. Van Wisselingh se spécialise dans l’art de Barbizon ainsi que sur les peintres de l’école de La Haye, dont l’art était redevable à celui de leurs homologues de Barbizon. Watson a de l’estime pour van Wisselingh précisément parce que « [il] est du genre à n’avoir auprès de lui que ce avec quoi il est en sympathie [et] donc il est loin d’être un simple commerçant. » C’est peut-être grâce à van Wisselingh, qui partage ses affaires londoniennes avec Daniel Cottier, que Watson établit une relation professionnelle avec la galerie de Cottier à New York, où il présente des expositions en 1899 et 1906.
À la fin du dix-neuvième et au début du vingtième siècle, Watson participe également aux sections canadiennes d’expositions grandioses telles que la World’s Columbian Exposition (Chicago, 1893), la Pan-American Exposition (Buffalo, 1901), la Glasgow International Exposition (1901) et la Louisiana Purchase Exposition (Saint-Louis, 1904), remportant une médaille de bronze à Saint-Louis, une médaille d’argent à Buffalo et une médaille d’or à Chicago.
Mais la carrière de Watson se déroule avant tout au Canada. Les principaux sujets de son art sont toujours les paysages de Doon et des environs, bien qu’il peigne occasionnellement en Nouvelle-Écosse (ce qu’il fait pour la première fois en 1882, son mécène James Ross ayant une propriété et des investissements considérables sur l’île du Cap-Breton), à l’île d’Orléans au Québec (Down in the Laurentides (Dans les Laurentides), 1882 ; Sunlit Village (Village ensoleillé), 1884) avec Horatio Walker (1858-1938), ainsi qu’ailleurs au Canada et aux États-Unis. En 1893, il construit une extension à sa maison, où il installe son atelier, et en 1906, il ajoute une galerie où il accueille les acheteurs potentiels pendant les trente années suivantes.
Watson, un environnementaliste engagé, est le principal organisateur et président du Waterloo County Grand River Park Limited, qui a épargné Cressman’s Woods (aujourd’hui Homer Watson Park) près de la maison de l’artiste. Son intérêt pour l’environnement va de pair avec sa certitude que les artistes qui n’éprouvent pas un sentiment de connexion vivante avec les paysages qui les entourent risquent de retomber dans des formules impersonnelles. Il explore cette conviction par l’entremise d’une série de brouillons semi-autobiographiques et semi-fictionnels de manuscrits qui élucident sa philosophie de la peinture de paysage mais qui sont restés inédits jusqu’à bien après sa mort.
La conviction de Watson sur la relation essentielle unissant l’artiste au paysage est en phase avec celles de Barbizon et de l’école de La Haye auxquels son public principal est sympathique. À Montréal, à partir des années 1880, Charles Porteous, un important collectionneur, mécène et promoteur, compte sur cette sympathie lorsqu’il organise des expositions des œuvres de Watson. Par conséquent, Montréal — où vivent des millionnaires tels que l’homme d’affaires James Ross, le banquier et financier R. B. Angus (qui a acquis, entre autres, Ombres flottantes, v.1881-1882, le tableau tant admiré par Oscar Wilde), les magnats du chemin de fer Donald Smith (Lord Strathcona) et William van Horne, et l’homme d’affaires et futur sénateur George Drummond — est le marché le plus lucratif de Watson. Lorsque l’influent Art Journal (Londres) publie un article de quatre pages sur Watson en 1899, cinq des sept reproductions qui l’illustrent sont des peintures appartenant à des collectionneurs montréalais.
Ailleurs, la clientèle de Watson est généralement moins fortunée. Pendant que Watson est en Europe de 1887 à 1890, ses affaires torontoises sont gérées par deux concessionnaires, James Spooner et (de façon plus satisfaisante) John Payne, ce dernier versant à Watson une allocation mensuelle de cinquante dollars à partir de mai 1888. Les Watson avaient grandement besoin de cet argent. Cependant, Spooner et Payne déplorent fréquemment les difficultés de leur entreprise torontoise. « Rien à faire en matière d’art », se plaint Spooner à Watson en 1885, et trois ans plus tard Payne informe l’artiste que « les gens d’ici n’achètent pas, et n’apprécient rien qui n’est pas bon marché ». Payne, en particulier, réussit à vendre à des Torontois aussi éminents que l’homme d’affaires Edmund (E. B.) Osler, mais le plus souvent, il conseille à Watson de peindre des paysages plus petits et moins chers, et il recommande des changements de couleurs, de compositions, de détails et de thèmes pour rendre les tableaux plus attrayant pour les acheteurs. Comme pour d’autres artistes, le succès de Watson est entravé par le grand manque de collectionneurs au Canada, et plus particulièrement à Toronto, une réalité que John Payne déplore à maintes reprises. De plus, le Musée des beaux-arts de Toronto (aujourd’hui le Musée des beaux-arts de l’Ontario) n’est fondé qu’en 1900 et, pendant de nombreuses années, dépend des dons d’œuvres d’art. De même, bien que l’Art Association of Montreal (aujourd’hui le Musée des beaux-arts de Montréal) ait acquis en 1887 l’impressionnante toile de Watson L’approche de l’orage dans les Adirondacks, 1879, il s’agit d’un don plutôt que d’un achat.
Homme politique chevronné
En 1907, Watson accepte de devenir le premier président du Canadian Art Club (CAC), une société d’exposition privée fondée cette année-là et vouée à la promotion de l’art contemporain canadien. Bien que naturellement peu attiré par l’administration, Watson partage le mécontentement des autres membres à l’effet que peu de collectionneurs canadiens de peintures et de sculptures européennes récentes soient disposés à investir dans l’art et les artistes canadiens. En mars 1907, par exemple, il se plaint à un autre membre du CAC, Edmund Morris (1871-1913), que Frank Heaton, le propriétaire de l’importante galerie W. Scott & Sons de Montréal, place « son argent dans des trucs hollandais et il ne regarde pas ce qu’on fait. . . . Nous devons montrer que ce qu’on fait est tellement mieux que la plupart des autres que les gens se lasseront de se faire duper. » Watson fait référence à des tableaux comme The Cowherd (La vachère), v.1879, d’Anton Mauve (1838-1888). Le sujet et la tonalité tranquille de cette peinture de Mauve sont typiques de l’œuvre extrêmement populaire alors des artistes de l’école de La Haye.
Watson est le président du club jusqu’en 1913 et participe généreusement à ses neuf expositions. En 1907, à l’instar des autres membres fondateurs du CAC, il démissionne de la Ontario Society of Artists (OSA), que le club perçoit comme organisant des expositions annuelles sans intérêt, lors desquelles le gouvernement de l’Ontario achète des œuvres pour la collection d’art provinciale. Toutefois, à la dissolution du CAC en 1915, Watson est ravi d’apprendre que son adhésion à la OSA a été rétablie par un vote unanime. « Le club que nous avons formé a fait son travail selon ses principes, et est mort d’une mort naturelle après cela », écrit-il au président de la OSA. « Entre-temps, la Société est allée de l’avant avec vigueur [,] cédant la place à des idées progressistes au fur et à mesure qu’elles se sont présentées, le produit d’un effort sérieux pour trouver des façons plus étendues de regarder et d’étudier la vérité de la nature. »
En 1918, Watson est élu président de l’Académie royale des arts du Canada (ARC), où il remplace William Brymner (1855-1925) qui est souffrant. Vice-président de l’ARC depuis novembre 1914, il occupe la présidence jusqu’à ce que sa surdité croissante le pousse à démissionner en 1922. Son mandat coïncide avec l’escalade de la tension entre plusieurs des membres les plus conservateurs de l’ARC et Eric Brown (1877-1939), directeur du Musée des beaux-arts du Canada. Suscitant la colère de plusieurs académiciens et membres associés, Brown soutient activement les artistes modernistes en général et, en particulier, les membres de ce qui, en 1920, devint le Groupe des Sept : des artistes envers l’œuvre desquels Watson est généralement ambivalent.
La situation s’envenime peu après le départ de Watson. La Galerie nationale du Canada assume la responsabilité de la sélection des membres du jury pour la section canadienne de la British Empire Exhibition de 1924 à Wembley Park, à Londres. Par le passé, la tâche d’organiser des expositions internationales d’art canadien était confiée à l’ARC, et l’académie est furieuse du changement. En 1923, son exécutif et de nombreux autres membres décident de boycotter l’exposition de 1924. La décision est annoncée dans une lettre publiée dans les journaux, au-dessus des signatures de trente et un membres, dont le président récemment retraité Homer Watson. Il insiste toutefois sur le fait qu’il n’a pas signé. Des œuvres de Watson font partie de l’exposition de 1924 à Wembley et de l’exposition qui lui succède l’année suivante : Nut Gatherers in the Forest (Cueilleurs de noix dans la forêt), 1900, est présentée en 1924 et Flamboro Woodland (Les bois de Flamboro) (date et lieu inconnus), en 1925. Il note que même s’il estime que les artistes les plus favorisés par le jury du Musée des beaux-arts ont tendance à n’avoir qu’un « dédain tolérant » pour leurs aînés généralement moins modernistes, il doute que le grief exprimé dans la lettre puisse résister à un examen approfondi.
L’exposition de 1924 à Wembley devient un événement marquant de l’histoire de l’art au Canada, les critiques britanniques réservant l’essentiel de leurs louanges au travail des modernistes : Tom Thomson (1877-1917) et les membres du Groupe des Sept, ainsi que des artistes montréalais comme Randolph Hewton (1888-1960), Mabel May (1877-1971), Kathleen Morris (1893-1986) et d’autres membres du Groupe de Beaver Hall. Watson reconnaît l’importance de l’exposition : « À tout moment maintenant, nous, de la vieille garde, nous pouvons abandonner et ne jamais être regrettés », déplore-t-il dans une lettre à Eric Brown. Au milieu des années 1920, l’ARC est dominée par des artistes chevronnés qui continuent de travailler dans une esthétique dépassée, héritée du dix-neuvième siècle, et qui crachent de rage devant ce qu’ils considèrent comme l’incompétence d’artistes plus jeunes et, de leur propre aveu, modernistes. De 1926 à 1932, l’ARC et la Galerie nationale du Canada s’enlisent dans des querelles de plus en plus acrimonieuses qui affaiblissent l’académie. L’ARC ne retrouve jamais son ancien statut d’exposant d’art progressiste au Canada.
Cela a dû profondément attrister Watson. Malgré tout, il a accompli un bon travail en tant que président, mettant en œuvre une nouvelle constitution et donnant à l’ARC une assise financière plus stable après les compressions effectuées pendant la Première Guerre mondiale. En tant qu’artiste, il demeure actif et admiré, quoique par un public plus restreint qu’avant la guerre. Quatre ans à peine avant l’exposition de 1924 à Wembley, où les critiques britanniques encensent les modernistes canadiens, les vantant comme étant l’avenir de l’art canadien, la Jenkins Art Gallery à Toronto organise une exposition et une vente des œuvres de Watson, réalisées au cours des treize années précédentes qu’il avait jusque-là réservées à sa galerie privée à Doon. Au cours de cette période, il est passé de paysages plus sombres et chromatiquement limités à des paysages composés de tonalités rougeâtres plus claires et souvent déroutantes. Une centaine de tableaux sont exposés à la Jenkins Art Gallery, et la moitié d’entre eux ont trouvé preneur.
Dernières années et voyages dans l’Ouest
L’élection de Watson à la présidence de l’Académie royale des arts du Canada (ARC) au début d’avril 1918 témoigne de sa stature d’artiste senior qui a réussi à rester en bons termes avec presque tout le monde. C’est aussi une reconnaissance de son engagement inébranlable envers l’académie — Watson a contribué, sauf à deux occasions, aux cinquante-sept expositions annuelles tenues par l’académie de 1880 jusqu’à l’année de sa mort.
L’élection ne peut cependant pas consoler Watson de la mort de son épouse, survenue quatre mois plus tôt, en janvier 1918. Il n’a jamais été religieux, mais il a depuis longtemps des croyances panthéistes sur les liens entre la nature et l’humanité, croyances qui sous-tendent son art à partir de cette période. Dès 1879, il est suffisamment intrigué par les idées sur l’au-delà et l’occulte pour faire le premier de ce qui semble avoir été plusieurs voyages entre Doon et le hameau de Lily Dale, dans le sud-ouest de l’État de New York, où les visiteurs intéressés à explorer le spiritisme dans un cadre naturel se réunissent à la toute nouvelle Cassadaga Lake Free Association.
Après la mort de Roxa, il se tourne vers la Bible pour l’assurance qu’elle lui offre que la vie spirituelle de sa femme a survécu à la mort de son corps. À la même époque, il devient aussi fasciné par les séances de spiritisme et la photographie spirituelle, qu’il poursuit par l’entremise de la Ontario Society of Psychic Research à Kitchener. Malgré son intérêt nouveau pour la Bible cependant, ses désirs spiritualistes continuent de s’exprimer par sa recherche sur l’évocation du mystique dans l’environnement naturel. Cet intérêt se manifeste dans l’intense subjectivité de ses peintures tardives de paysages, dans lesquelles il sacrifie de plus en plus la véracité optique et le détail au profit de couleurs non naturalistes et d’un travail à la touche plus marquée. Le respect absolu de ses motifs n’a jamais été crucial pour Watson. Même dans ses premières toiles, il combine de multiples esquisses in situ pour en faire des compositions dans lesquelles le réalisme visuel est ajusté et compromis au nom de l’ordre, de la vitalité et du ton. (Une grande partie de La vieille scierie, 1880, par exemple, est basée sur un paysage de Doon, mais l’image comporte aussi une ligne de falaises verticales qui ne fait pas partie de l’endroit réel.) Dans ses paysages tardifs, cependant,Watson donne une valeur plus subjective à ses oeuvres, souvent en privilégiant les scènes de crépuscule et d’obscurité : des moments transitoires et mystérieux de la journée. Tous ces éléments sont réunis, par exemple, dans des paysages aussi puissamment maussades et personnels que Moonlit Stream (Ruisseau au clair de lune) et Evening Moonrise (Lever de lune, le soir), tous deux datant de 1933.
En 1921, grâce au soutien affectif de sa sœur et à son aide pour l’entretien ménager, Watson commence à se remettre de son chagrin et à se tourner de nouveau vers l’art. Cette année-là, il visite les montagnes Rocheuses pour la première fois. Il fait le voyage au moins deux autres fois, en 1929 et en 1933, se rendant au cours de ces années jusqu’à la côte du Pacifique. C’est une remarque de F. M. Bell-Smith (1846-1923) en 1919 qui l’incite à faire ce voyage. « Avez-vous déjà traversé les Rocheuses », demanda-t-il à Watson. « Je serais très intéressé de voir ce que vous pourriez sortir de ces sujets impossibles. Il m’est très difficile d’aller au-delà des faits. Les faits ont terriblement d’assurance. » Le sujet semble improbable pour un artiste dédié aux paysages locaux de la rivière Grand, avec leur histoire humaine familière. Mais les montagnes — dans Near Twilight, B.C. (À l’approche du crépuscule, C.-B.), v.1934, par exemple — s’avèrent très attrayantes pour Watson malgré ses conseils généraux aux artistes d’éviter les paysages magnifiques dans lesquels ils se sentiraient dominés et insignifiants.
Fort de son voyage dans l’Ouest en 1921, las des exigences de l’administration des arts et affligé d’une surdité grandissante, Watson se lance dans les dernières années de sa carrière. L’acquisition de sa première automobile en 1923 lui permet d’emporter son matériel avec lui lors de voyages de peinture où il se déplace sur un grand territoire. Ce sont cependant des années difficiles. À partir de 1927, plusieurs crises cardiaques limitent progressivement sa capacité de travail. Son état de santé est particulièrement mauvais à partir de 1929, et il écrit en 1933 que son « petit broyeur s’entrechoque bruyamment et se met en pièces au moindre effort ». Les problèmes de santé sont aggravés par une catastrophe financière lorsque l’effondrement du marché boursier en octobre 1929 ravage les actions et les obligations dans lesquelles Watson a investi des revenus considérables. Il n’a finalement pas d’autre choix que de transférer le titre de ses peintures actuelles et futures à la Waterloo Trust and Savings Company comme garantie pour une allocation mensuelle. Au moment de sa mort, la société possède 460 de ses œuvres.
Alors que ses économies sont presque entièrement anéanties, Watson est également confronté à une baisse substantielle de la demande pour ses tableaux. La dépression se prolonge jusque dans les années 1930, ce qui entrave gravement le pouvoir d’achat d’un grand nombre de ses anciens clients. De plus, la plupart de ses clients les plus riches sont morts avant même que la dépression ne survienne.
Quoiqu’il en soit, dans les années 1920, Watson n’est pas en phase avec l’évolution de l’art contemporain. Le Groupe des Sept à Toronto et le Groupe de Beaver Hall à Montréal sont tous les deux fondés en 1920, et le Groupe des Sept en particulier monte une campagne efficace pour établir sa propre marque de modernisme au cœur de l’art canadien. Watson reconnaît l’évolution des goûts et tente sans succès de décourager la tenue d’une exposition solo en 1930 au Musée des beaux-arts de Toronto. Les ventes de l’exposition sont au mieux modestes. Il a l’impression de faire une bonne tentative pour mettre son style à jour en employant un schéma de couleurs dominé par des nuances de rose et de violet, en employant des empâtements substantiels, et ce, grâce à son passage à la peinture en plein air qui a restreint son travail en atelier. Les résultats génèrent malheureusement peu de nouveaux convertis à l’art de Watson et aliènent même nombre de ses anciens partisans.
L’ARC examine la grave situation financière de Watson à sa réunion du conseil le 11 mai 1936. Son vieil ami Wyly Grier (1862-1957) écrit ensuite à la sœur de Watson, lui assurant que son frère « n’aura jamais à craindre la misère. L’Académie a des obligations qui ont légalement été déclarées disponibles pour aider les membres en difficulté, et l’amour pour Homer fera le reste. » Mais il est trop tard. Watson, que la surdité aiguë et les problèmes cardiaques ont transformé en « ermite de Doon », meurt dans son village natal le 30 mai. Il a 81 ans. Un doctorat honorifique en droit que l’Université Western Ontario (aujourd’hui Western University) avait l’intention de lui décerner en personne lui est décerné à titre posthume. Le premier ministre William Lyon Mackenzie King qui, enfant, avait rencontré Watson en 1882, admirait l’artiste et partageait son intérêt pour l’occultisme; à sa mort, il lui consacre un paragraphe dans son journal personnel. Watson, écrit-il, était « l’une des âmes les plus nobles que j’aie jamais connues. Un homme que j’ai véritablement aimé, un grand gentleman et un grand artiste. »