Au-dessus de la carrière 1937
En 1929, Lawren S. Harris (1885-1970) écrit à Emily Carr de mettre « les totems de côté pendant au moins une année » pour se tourner plutôt vers le « vaste insaisissable qui se tapit derrière ». Au cours de la décennie suivante, l’artiste se concentre sur le paysage des environs de sa maison de Victoria et développe un nouveau langage gestuel pour le représenter. Au-dessus de la carrière démontre qu’elle tourne aussi son regard vers le ciel. Dans son journal, Carr décrit ce tableau comme « un paysage avec des racines et des carrières de gravier. Je recherche un grand ciel dégagé avec beaucoup de mouvement, qui englobe la végétation sèche à l’avant-plan et est relié par les racines et les souches jusqu’au ciel. J’ai le souhait de le rendre libre et jubilant, plutôt que crucifié et statique, dans un coin. La couleur du ciel brillamment illuminé contrastera avec la terre noire, blanche et mordorée. »
Par sa fonction structurante, le coup de pinceau que Carr utilise ici rappelle les tableaux réalisés deux décennies auparavant en Bretagne — comme Un automne en France, 1911 — et au cours de la période suivant immédiatement son retour au Canada en 1912. La touche permet aussi d’unifier la composition : alors que dans ses œuvres plus anciennes, Carr multiplie les types de touches dans une même composition, elle se limite, dans ses œuvres de maturité, à de larges coups qui confèrent un pouvoir unifiant.
L’artiste recourt à ce même traitement dans Rivage, une toile réalisée en 1936, soit un an avant Au-dessus de la carrière. Rivage fait partie d’une série de compositions que lui inspirent le bord de mer et les paysages des environs de Victoria, notamment ceux d’Albert Head et d’Esquimalt Lagoon à Colwood, et des parcs Metchosin, Langford et Goldstream.