Distribution de rations aux Pieds-Noirs, T.N.-O. 1886
Distribution de rations aux Pieds-Noirs, T.N.-O., 1886, dépeint les membres de la nation Siksika qui font la queue pour recevoir des rations de farine du gouvernement canadien. William Brymner crée cette œuvre lors d’une visite à la réserve de la nation Siksika près de Gleichen (aujourd’hui en Alberta) en 1886. Bien qu’il soit connu que le peintre ait travaillé sur d’autres peintures pendant son séjour, il s’agit de la seule œuvre qui puisse être rattachée à cette époque de manière concluante. Elle est remarquable car, contrairement à de nombreuses autres peintures du dix-neuvième siècle qui représentent des Autochtones, comme Six Black Feet Chiefs, Blackfoot (Six chefs pieds-noirs, Pieds-Noirs), v.1849-1855, de Paul Kane (1810-1871), ce n’est pas une image qui prétend représenter la culture traditionnelle. Le tableau n’est pas détaillé, mais il est évident que les personnes qui y figurent portent des vêtements ordinaires, plutôt que des vêtements de cérémonie, et peu de bijoux. Leurs expressions sont sombres et les spectateurs sont invités à saisir la gravité de la situation. C’est une image qui dépeint un urgent besoin de nourriture.
Les rations alimentaires font partie des promesses du Traité no 7, un accord conclu en 1877 entre le Canada et plusieurs Premières Nations, dont la nation Siksika. En 1886, la pratique de la distribution de provisions devient controversée : le gouvernement fédéral est accusé de dépenses excessives ainsi que d’envoyer de la nourriture impropre à la consommation. D’autres critiquent le gouvernement pour des raisons morales : lorsque les Autochtones sont privés de nourriture dans le but de les forcer à vivre dans des réserves, un membre du Parlement accuse le gouvernement de mener « une politique des plus imprudentes et inhumaines. » Brymner est vraisemblablement conscient de la signification politique de la scène qu’il dépeint, car les journaux canadiens font fréquemment état de la façon dont le gouvernement fédéral gère ce rationnement.
L’artiste canadien est témoin d’une grave famine au cours de sa visite à la réserve de la nation Siksika, alors que l’agent des Indiens local diminue les rations dans un effort de réduction des coûts. Dans un discours prononcé en juillet 1886, le leader Siksika Isapo-Muxika (nommé à l’époque Crowfoot dans les médias canadiens) parle de l’insuffisance des rations et des risques de famine, déclarant que « lui et ses chefs craignent pour leurs enfants, qu’on ne leur donne pas de nourriture. » Brymner n’a rencontré Isapo-Muxika que quelques semaines auparavant.
Les lettres du peintre à son père racontent ses expériences dans la réserve. Le 12 mai, il écrit : « Je les ai vus [les employés gouvernementaux] distribuer les rations pendant 4 jours (1 ¼ lb de viande par tête par jour et ½ lb de farine, je crois). La scène était drôle. Ces Indiens sont de vrais Sauvages peints. » Le choix lexical est de toute évidence raciste, bien qu’il faille noter que le mot drôle veuille parfois dire « étrange », par opposition à « amusant », et c’est probablement ce que Brymner voulait dire. Dans une autre lettre, il ajoute : « Je peins un tableau des Indiens rationnés et je ne partirai pas avant que ce soit terminé. Bien sûr, j’ai été occupé à d’autres choses aussi, mais cela est le plus important. » On ne sait pas très bien à quels autres projets il fait référence. Lorsqu’il peint dans la réserve, il paie des membres de la communauté pour qu’ils posent pour lui, mais il n’enregistre pas leurs noms.
Avec son sujet radicalement différent et son style beaucoup plus proche du réalisme, Distribution de rations aux Pieds-Noirs, T.N.-O., 1886, constitue un monde à part de A Wreath of Flowers (Une gerbe de fleurs), 1884. Les motivations de Brymner pour cette œuvre sont inconnues, bien qu’il soit sans aucun doute conscient de l’aspect politique de son sujet. Aujourd’hui, cette toile est un rappel important de la terrible trahison coloniale et de l’utilisation par le gouvernement canadien de la famine comme arme dans l’assimilation des peuples autochtones.