Sorel Etrog est un artiste prolifique ayant touché à plusieurs disciplines et dont la carrière comporte des périodes stylistiques nettes définies par un large éventail d’inspirations. Bien que connu avant tout pour ses sculptures, principalement ses bronzes, Etrog est aussi un peintre, un dessinateur obsessif, un poète, un compositeur, un cinéaste et un collaborateur d’œuvres multimédias. Malgré sa diversité, toutefois, l’œuvre d’Etrog s’articule autour des tensions qui façonnent l’existence humaine, notamment, le désir d’être en relation, la joie du mouvement, l’inévitabilité de la séparation et de la perte et la persistance de la vie organique dans un environnement mécanisé. Certaines œuvres d’Etrog comportent même de véritables mécanismes de connexion : maillons, charnières, boulons, clous et vis.
Les Constructions peintes (1952-1960)
Etrog élabore ses œuvres de la série des Constructions peintes alors qu’il est étudiant à l’Institut des beaux-arts pour la peinture et la sculpture de Tel-Aviv de 1953 à 1955. À l’époque, il puise son inspiration dans l’avant-garde européenne, un groupe libre de mouvements artistiques du début du vingtième siècle qui élargit la définition de l’art en se libérant de la tradition. Inspiré par le collage cubiste, les sculptures de relief constructivistes et par des artistes tels que Paul Klee (1879-1940), Joan Miró (1893-1983) et Pablo Picasso (1881-1973), Etrog conteste la séparation entre la peinture et la sculpture.
« Je suis devenu insatisfait du travail avec les toiles et j’ai commencé à construire mes peintures directement sur le bois. Cette manière me permet de prolonger encore plus le cadre irrégulier et les contours surélevés qui esquissent la forme et la couleur », explique Etrog. Les constructions ressemblent à des tableaux conventionnels dans la mesure où ils sont peints à l’huile et sont accrochés à plat au mur, mais elles comportent plusieurs couches qui forment des compositions défiant de manière amusante les utilisations courantes des matériaux. Etrog construit la surface en collant ou en clouant des panneaux en bois de différentes tailles et de différentes formes. Il ajoute ensuite une couche de lignes surélevées — certaines sont droites, d’autres sont courbées — et des formes — triangles, cercles, formes à plusieurs côtés — afin d’accentuer leur irrégularité. Une couche finale est appliquée en peignant la surface de couleurs profondes et saturées, souvent dans des tons de brun, jaune, rouge, violet et orange, la juxtaposition des nuances contribuant à la complexité globale de l’œuvre.
Society of Triangles (Société de triangles), 1954-1955, est typique de ce style. La forme centrale est un rectangle irrégulier flanqué de deux demi-carrés avec un triangle superposé au sommet. La couche suivante est composée de cercles, de lignes qui se croisent et de figures géométriques qui se chevauchent. Cette organisation asymétrique est soulignée par une utilisation inégale de la couleur. Etrog explique qu’à cette époque, son style et son sujet sont inspirés par la musique atonale moderne de compositeurs comme Béla Bartók (1881-1945), Arnold Schoenberg (1874-1951) et Igor Stravinsky (1882-1971), qui évitent délibérément l’harmonie et l’équilibre dans leurs créations : « Pendant que je travaillais, mes oreilles étaient pleines des rythmes de la musique moderne que j’écoutais, et il n’est donc pas étonnant que ceci soit devenu le thème d’un groupe d’œuvres – cordes et archets qui se recoupent, divisant l’espace, une couleur différente pour chaque instrument. »
Ces œuvres font l’objet de la première exposition solo d’Etrog, tenue en 1958 à la ZOA (Zionists of America) House à Tel-Aviv, peu avant le départ d’Etrog d’Israël vers les États-Unis pour ses études. L’ingéniosité de ses œuvres incite un critique à écrire qu’Etrog, même s’il est en début de carrière, est l’un des jeunes artistes les plus originaux d’Israël.
Les premières sculptures (1959-1963)
Le passage d’Etrog d’œuvres planes en deux dimensions à la sculpture en trois dimensions se reflète d’abord dans ses constructions peintes ultérieures. L’une d’entre elles, The Encounter (La rencontre), 1959, ressemble à la sculpture Barbarian Head (Tête barbare) de la même année. Les deux sont composées de formes de croissants semblables et les deux utilisent des formes physiques ainsi que l’espace vide pour créer une interaction. La rencontre, une pièce à deux dimensions, ne parvient qu’à suggérer ce genre de tension dramatique. Dans Tête barbare, les formes solides de la sculpture sont accentuées alors que l’espace opposé et négatif est exploré, donnant l’impression que la sculpture est près de son point de rupture structural.
La transition d’Etrog vers la sculpture est inspirée par ses premières expériences de l’art non occidental, qui se produisent après son déménagement à New York pour étudier à la Brooklyn Museum School. « Chaque jour à l’école, je passais à côté de la collection de sculptures africaines, précolombiennes et des îles du Pacifique du musée. J’ai été frappé par l’aspect direct de leurs formes et j’ai commencé à faire plusieurs esquisses. Après avoir travaillé avec des formes plates toutes ces années, je me sentais prêt à travailler en trois dimensions et cette transition s’est produite naturellement pour moi. » Au musée, il s’attarde particulièrement aux petits objets rituels provenant de Papouasie-Nouvelle-Guinée, connus sous le nom de kena, qui ont de longs manches se terminant en sculpture, souvent de figures humaines.
Quand l’intérêt d’Etrog passe de l’abstraction géométrique aux formes organiques, il commence à créer des pièces inspirées par les modèles naturels de croissance. Comme dans ses premières sculptures, il explore le caractère tridimensionnel et la masse, mais maintenant d’une manière élégante et équilibrée, avec des lignes nettes et allongées ainsi que des compositions verticales. L’intention est de créer des sculptures donnant une impression d’apesanteur malgré leur taille imposante et leur connexion à une base. Etrog explore la figure humaine debout dans Africana, 1960, ainsi que d’autres organismes vivants. Dans Blossom (Floraison), 1960-1961, et Waterbury, 1961, deux exemples qui semblent combiner l’humain et le floral, les longues tiges culminent en des formes arrondies sinueuses, produisant ce qui ressemble à une fleur ou à un arbre. Etrog explique que son nouveau style résout une question de « synchronisme » : il veut que « la figure jaillisse de la base comme le tronc d’un arbre et que rien ne se produise avant un petit arrêt aux hanches, laissant la partie dramatique au sommet. »
La période des maillons (1963-1971)
En 1963, Etrog effectue son premier voyage en Italie où il découvre l’art des Étrusques, un peuple de l’Italie ancienne ayant précédé les Romains. Cette rencontre mène à l’invention de son motif du maillon. Pendant huit ans, le motif domine l’œuvre d’Etrog qui l’utilise pour exprimer les contrastes de la vie humaine : « J’ai vu dans [le maillon] un solide mécanisme de connexion permettant de créer une tension, reflétant la tension de notre propre existence avec le monde extérieur et au sein de celui-ci. »
En privé, Etrog a offert une explication biographique de cette transition du travail biomorphique à son exploration des maillons. En 1966, alors qu’il vit et travaille à Florence, Etrog est témoin de l’inondation de l’Arno, ce qui l’affecte profondément. Dans une lettre au directeur du Musée des beaux-arts de l’Ontario, William Withrow (1926-2018), il écrit : « Je suis témoin de la façon dont ces dernières expériences s’intègrent dans mes nouvelles œuvres. Je sens une certaine dureté. La ligne fluide est remplacée par les maillons, ce qui donne une apparence plus mécanique. Pourtant, je veux croire que je parle toujours de la condition humaine. » Etrog utilise le maillon non seulement pour représenter la mécanique, mais également pour illustrer le corps organique; avec le maillon, Etrog examine comment les éléments du corps sont connectés et comment ils se déplacent, parfois ensemble, parfois en opposition l’un et l’autre.
Etrog est attiré par le mécanisme du maillon tant sur le plan formel que métaphorique, en raison de sa capacité à incarner les contradictions : le maillon rassemble les éléments tout en leur permettant de se dénouer, et il représente également un état psychologique tout en articulant physiquement les mécanismes du corps. Etrog aborde sa capacité à lier des oppositions dans un poème de 1970, Links, qui commence ainsi : « L’art lié à la vie. / L’art lié à la mort. Témoins temporaires, / liés les uns aux autres : liés au passé / liés à l’inconnu. »
À cette époque, Etrog crée des sculptures abstraites dont les différentes parties sont équilibrées grâce à un maillon central, notamment, Flight (Vol), 1963-1964, et Survivors Are Not Heroes (Les survivants ne sont pas des héros), 1967, et il utilise le motif pour explorer la danse et le mouvement dans un tableau de grande envergure, The Rite of Spring (Le rite du printemps), 1967-1968. Il a également l’occasion de créer des œuvres qui explorent les liens familiaux, comme dans Large Family Group (Grand groupe familial), 1963-1964, ou qui représentent des sujets individuels, comme dans Portrait of Samuel Beckett (Portrait de Samuel Beckett), 1969, une gravure qui incorporant un motif de maillon.
La période se termine avec la courte phase des taureaux d’Etrog, qui s’étend de 1969 à 1970, quand il combine les motifs du maillon et du taureau pour représenter ce dernier dans des centaines d’esquisses, d’études et de fragments de même que dans plusieurs sculptures. Les œuvres ont un aspect sombre et témoignent de la dépression contre laquelle l’artiste se bat à l’époque à la suite non seulement de la dévastation de Florence, mais aussi de son grave accident de voiture. Alors qu’il s’affaire à préparer son œuvre la plus importante de cette période, Targets [Study after Guernica] (Cibles [Étude d’après Guernica]), 1969, une recréation monumentale du chef-d’œuvre de Pablo Picasso (1881-1973), Etrog se plonge dans La Tauromaquia (La Tauromachie), 1816, la série de 33 gravures de scène de combats de taureaux de Francisco Goya (1746-1828). Etrog dessine de nombreuses études, représentant des vaches et des taureaux sans défense se faire tourmenter dans un large éventail de positions douloureuses. Dans Study for Targets: Three Caresses (Étude pour Cibles : trois caresses), 1969, les animaux semblent suspendus, écorchés, la tête à l’envers. Les lignes noires qui détaillent le tableau sont présentées d’une manière obsessive et chaotique, renforçant le sentiment d’horreur.
La période des vis et des boulons (1971-1973)
Au début des années 1970, le travail d’Etrog révèle son exploration nouvelle de l’attache, l’artiste utilisant des éléments mécaniques dans un nouveau style qu’il désigne comme la période des vis et des boulons, caractérisée par des œuvres sexuelles, amusantes et humoristiques remplies de vie, d’énergie et de couleur. Il la décrit comme une coupure nette par rapport au style précédent : « Je ne reporte pas une idée. Une nouvelle arrive et avale la vieille. » Il explique qu’en 1971, il devient obsédé par la vis — une autre humble attache – après en avoir trouvé une dans la rue :
Lors de mon prochain voyage en Italie, j’avais prévu couler un grand coffre rempli de modèles en cire de figurines datant de mon époque [des maillons]. Après avoir atterri à Rome, j’ai conduit jusqu’à mon atelier de Florence… Il était tard, il faisait froid et j’étais fatigué. Mais, j’avais encore la vis à œillet… à l’esprit. Plutôt que d’aller à l’hôtel, j’ai rapidement enfilé des vêtements de travail, trouvé des craquelins, ouvert une bouteille de whisky et travaillé toute la nuit, réalisant mon premier moulage en plâtre d’une vis à œillet… Ce coffre de figurines n’a pas été ouvert et encore aujourd’hui, elles n’ont jamais été moulées. En peu de temps, l’atelier s’est rempli de sculptures de vis et de boulons.
Quand l’attention d’Etrog se tourne vers ces mécanismes d’attache, il a l’idée d’élaborer un langage visuel qui exprime l’épanouissement du désir sexuel par l’acte de copulation, une association provoquée par l’usage courant, en anglais, du mot screw (vis) pour désigner l’acte sexuel. Au début de cette période, il crée de nombreuses études des oppositions perçues entre les hommes et les femmes et il explore l’anatomie masculine et féminine, les reliant dans une variété de poses sexuelles. Plus tard, l’artiste utilise le motif pour créer de nombreux dessins calligraphiques dans lesquels il élabore ce qui semble être l’alphabet d’une langue qu’il a inventée.
Les sculptures de cette période sont très différentes des autres œuvres d’Etrog. Il continue d’utiliser la technique traditionnelle du moulage en bronze, mais plutôt que de laisser la patine sombre et brillante sur la surface finale, il choisit d’appliquer une peinture-émail aux couleurs primaires éclatantes, un choix rarissime dans sa carrière sculpturale et qu’il ne réutilise que pour Spaceplough II (Charrue de l’espace II), 1990-1998, et sa dernière série des Composites.
Il est tentant d’associer l’humour et les couleurs vives et éclatantes des sculptures de la période des vis et des boulons au style pop art, répandu dans les années 1960. Par contre, Etrog fait plutôt référence au surréalisme, en lui en empruntant ses thèmes : ce mouvement d’avant-garde de l’entre-deux-guerres est reconnu pour son exploration de thèmes sexuels et du désir érotique en particulier chez des artistes tels Jean Arp (1886-1966), Salvador Dalí (1904-1989), Man Ray (1890-1976) et Meret Oppenheim (1913-1985). Avec des sculptures telles que l’explicite Northeast (Nord-Est), 1971, ainsi que Kabuki et Sadko, toutes deux de 1971-1972, Etrog défie les attentes des propriétaires de galeries et des collectionneurs en créant des œuvres qu’il décrit comme étant « fraîches, amusantes et érotiques ». Les rédacteurs et les critiques expriment leur étonnement : une journaliste note que lorsqu’il expose ces œuvres à Toronto, « [Etrog] s’attire les foudres et les coups de coudes » en raison de ce qui est perçu comme leur « côté sexy ». À leurs yeux, les œuvres sont sensuelles et érotiques, mais pas « sexy ». Le critique d’art français Pierre Restany (1930-2003) se montre plus sévère encore et qualifie les sculptures de « métaphores d’occasion », affirmant qu’elles risquent de déséquilibrer l’ensemble de l’œuvre d’[Etrog] sans créer de réelle possibilité de jeu d’ironie ou de double sens ».
La période des charnières (1972-1979)
En vacances en Israël, Etrog s’éprend d’un nouveau mécanisme de connexion et d’articulation. « J’ai pris le bloc de dessin d’un enfant et j’ai commencé à dessiner… La charnière s’est mise à m’obséder . . . en un rien de temps, [elle] a commencé à dominer ma sculpture, d’abord sous la forme de petites maquettes en cire et plus tard en une explosion de plâtre. » Quand il transforme ces études en leurs formes finales, Etrog retourne au fini sans peinture de ses sculptures antérieures, car il ressentait « une nostalgie envers la patine monochrome subtile des bronzes ».
La charnière attire Etrog pour sa capacité à connecter fermement des éléments plats tout en permettant le mouvement. Il fait remarquer que « la charnière connecte les surfaces plates avec son gonflement tubulaire, créant un dialogue entre la mécanique et l’organique ». Avec elle, il retourne dans sa zone de confort, explorant les grandes tensions qui se jouent dans l’existence humaine : le moment potentiel entre le mouvement et la position immobile, entre la révélation et la dissimulation.
Pendant une courte période, Etrog pratique deux styles simultanément, une rareté dans la carrière de l’artiste. Dans Pistoya [Mother and Child] (Pistoya [Mère et enfant]), 1973-1976, il mélange les motifs des vis et des boulons ainsi que des charnières : les têtes des figures sont formées des premiers alors que les deuxièmes sont utilisés pour la partie supérieure des corps. Rapidement, toutefois, il embrasse à fond les possibilités que lui offre la nouveauté, entreprenant une période principalement caractérisée par des œuvres qu’il catégorise comme Extroverties ou Introverties.
Pour sa série des Extroverties, qui comprend notamment Rushman (Homme pressé), 1974-1976, et Pistoya (Mère et enfant), 1973-1976, Etrog crée une multitude de sculptures de figures humaines qui marchent, chacune exprimant les différences dans le rythme, la vitesse et la nature de cette action. En revanche, les Introverties sont des abstractions géométriques, des objets s’apparentant à des chambres fortes avec des surfaces composées de portes avec charnières qui sont verrouillées pour ne jamais s’ouvrir. À titre d’exemple, Shelter (Refuge), 1976, est un cube symétrique dont les surfaces sont connectées par un réseau. Les charnières ne s’ouvrent pas et la possibilité de mouvement ne se réalise jamais. Refuge, et d’autres sculptures similaires de la série des Introverties évoquent l’existence d’un noyau intérieur dissimulé et inaccessible, une métaphore puissante de la vie émotionnelle et de l’incapacité de l’être humain à connaître pleinement l’autre, et même de la nécessité de verrouiller les choses loin du soi.
Bien qu’Etrog utilise principalement le motif de la charnière dans ses sculptures, il l’emploie également dans de nombreux tableaux distinctifs par leur composition méticuleuse et leur haute finition. Dans Macrowaves (Macrovagues), 1974-1975, à titre d’exemple, Etrog utilise ce nouveau motif pour représenter un paysage marin de vagues fort stylisé qui semble figé au milieu d’un mouvement. Il l’utilise également dans ses dessins, notamment, Marshall McLuhan, 1976.
La technique sculpturale de Sorel Etrog
Le bronze est le matériau de prédilection d’Etrog qui coule ses sculptures à l’aide du procédé ancien de moulage à la cire perdue, ce qui leur confère une qualité monumentale. Pourtant le fondement de sa pratique sculpturale repose sur le dessin et l’esquisse. Il dessine constamment sur n’importe quel matériau lui tombant sous la main — enveloppes, serviettes de tables et paquets de cigarettes usagés, de même que sur du papier à dessin professionnel. Ces esquisses vont du gribouillis préliminaire au dessin élaboré et pleinement réfléchi. Elles sont exécutées avec différents matériaux, dont l’encre, la gouache, l’huile, l’aquarelle, l’acrylique, le pastel, le fusain, le stylo-bille et le crayon.
À l’étape suivante, Etrog crée des maquettes à trois dimensions à l’aide de cire malléable, généralement d’une hauteur de trente ou quarante centimètres — des modèles à petite échelle —, afin de développer plusieurs versions de son idée. Les versions les plus réussies sont ensuite généralement moulées en bronze, aboutissant à plusieurs sculptures de différentes tailles. Même si elles servent d’études et de travail préparatoire à des sculptures de grande envergure, Etrog les considère comme distinctes en soi et les expose et les vend souvent.
Etrog agrandit ensuite les œuvres deux fois — moyenne (entre un mètre et demi et deux mètres) et grande (plus de deux mètres). Celles-ci sont considérées comme l’expression complète de son idée. Il refait chaque sculpture en plâtre à la main de la taille désirée. À cette étape, Etrog ajoute souvent des détails ou une texture à la surface l’œuvre. Cela est manifeste dans la différence entre l’extérieur lisse et arrondi de la maquette des Survivants ne sont pas des héros, 1967, et les rainures qui se trouvent sur la pièce finie.
Une fois le processus de l’étude terminé, une version et un moule en plâtre pleine grandeur sont créés, qui reproduisent à la fois la forme exacte et les détails précis de l’original, mais il s’agit d’une image négative, ou creuse. Ensuite, le moule est rempli de cire chaude qui, une fois durcie, constitue une réplique de la sculpture. Des canaux verticaux en cire appelés carottes sont insérés dans la réplique en cire qui est ensuite placée dans un deuxième moule fabriqué en céramique ignifugée. Le moule est alors cuit dans un four à céramique. La chaleur fait fondre la cire qui s’échappe du moule. On y verse le bronze fondu afin de remplacer la cire et de créer la version finale. Une fois la sculpture libérée du moule, Etrog traite le bronze à l’aide d’un processus connu sous le nom de patinage qui protège la sculpture de la corrosion ou des intempéries en plus d’y ajouter de la brillance et de l’éclat.
Ce processus peut être répété à maintes reprises pour créer plusieurs exemplaires d’une même sculpture, une pratique commune dans le moulage du bronze. Les petites œuvres d’Etrog sont généralement fabriquées en éditions limitées de sept à neuf sculptures, les moyennes en cinq ou sept exemplaires alors que les plus grandes sont fondues en une œuvre unique ou en trois ou cinq exemplaires.
L’engagement d’Etrog envers le bronze et le processus de la cire perdue le distingue de ses pairs. Pendant la deuxième moitié du vingtième siècle, peu d’artistes utilisent cette méthode et ceux qui la maîtrisent sont encore moins nombreux. Etrog est exceptionnel en ce sens; ayant appris tous les aspects du processus de moulage à la Modern Art Foundry d’Astoria à New York, il s’occupe de presque tout le moulage lui-même, sans l’aide d’assistants. Ce savoir pratique lui donne la liberté d’innover sur le plan stylistique et de repousser les limites de son art d’une manière jusque-là inédite.